Beaune à travers ses cuvées des Hospices : Charlotte Dumay, un corton de 5 siècles

La cinquantaine de cuvées du domaine des Hospices de Beaune raconte une histoire de la ville et de cet extraordinaire patrimoine viticole constitué au fil des donations. L’auteur et dégustateur Laurent Gotti, grand spécialiste du sujet, revient sur les plus emblématiques. Épisode 4 avec Charlotte Dumay.

© Archives de Beaune

par Laurent Gotti,
avec Mathias Compagnon, archiviste à Beaune

En 1534, « Pour le remède et le salut de son âme », Charlotte Dumay, épouse sans descendance du Garde pour le Roi en sa monnaie de Dijon, donna aux Hospices de Beaune 100 ouvrées de terre dont 10 de vignoble (un peu plus de 40 ares). C’est l’un des plus anciens actes de donations de vignes à l’Hôtel-Dieu encore conservé. Le témoin d’une longue tradition puisque les Hospices de Beaune verront très régulièrement leur domaine s’agrandir au fil des siècles grâce à la générosité locale. Parmi les dernières donations marquantes : une parcelle du grand cru échezeaux en 2011 ou encore de chablis premier cru en 2015.

Si l’image actuelle des Hospices de Beaune est intimement liée au vin, un raisonnement trop rapide incite à penser que c’était le vœu des fondateurs, Guigone de Salins et Nicolas Rolin. Les historiens nous ont appris que ce n’était pas le cas. Aucune trace de vignes dans la dotation initiale de l’Hôtel-Dieu ! Ce sont les revenus du sel qui ont d’abord assuré la pérennité des Hospices de Beaune. Denrée convoitée au Moyen-Age, il était extrait à un peu plus d’une centaine de kilomètres de là, dans la commune de Salins-Les-Bains (Jura) alors rattachée au duché de Bourgogne.

« Le financement de son œuvre par des revenus de la grande saline de Salins n’est pas neutre puisqu’il place le fondateur dans l’orbite du prince (ndlr, le duc de Bourgogne Philippe le Bon), puissant soutien de la fondation, d’ailleurs », souligne l’historienne Hannelore Pepke-Durix. En homme d’affaires avisé, Nicolas Rolin augmentera régulièrement sa participation dans les salines de Salins. C’était le placement le plus rentable de l’époque. Sa femme Guigone a, de son côté, hérité de son père (seigneur de la localité de Salins) de rentes sur ces mêmes salines.

Les parcelles données par Charlotte Dumay sont les plus anciennes dont l’origine est parfaitement identifiée. Elles sont situées sur les climats Les Renardes et Les Bressandes. La cuvée est aujourd’hui uniquement issue des Bressandes. Ces vignes donnent un vin d’une belle consistance qui se démarque par son élégance dans l’univers des grands crus rouges de Corton. Ces derniers figurant parmi les rouges les plus structurés de la Côte de Beaune.

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L’acte de donation de vignes de Charlotte Dumay à l’Hôtel-Dieu des Hospices de Beaune, est l’un des plus anciens encore conservé. © Archives de la Ville de Beaune