Dans la rue de Lorraine où pas un commerce ne se ressemble, Estelle Genelot façonne des robes de mariées d’exception depuis 2012. Autant dire que ce millésime 2020 a secoué son bel atelier. Il est donc temps d’adresser un grand et beau « oui » à la vie !
Repérée sous les noms de Grande Rue ou rue Bourgneuf dès 1230 par les historiens les plus férus de Beaune, la rue de Lorraine, barrée par la porte Saint-Nicolas, était le point de départ des diligences vers Dijon. Elle pourrait être aussi la rue des départs nuptiaux : au numéro 47, la styliste Estelle Genelot a monté son atelier de création de robes de mariage. By Estelle, ce sont des pièces uniques « créées sur-mesure, à partir de matières nobles et dans le respect de la personnalité de chacun », argumente l’intéressée. Originaire de Savigny-lès-Beaune, où son père Alain dirigeait une entreprise de travaux publics réputée sur la Côte, Estelle avait ouvert son premier atelier en 2009. Avant d’être tentée, il y a huit ans, par « la grande ville ». Et de découvrir par hasard qu’il y 200 ans, une couturière était installée juste ici, dans son local destiné auparavant aux jeux vidéos. « Dans le quartier, personne n’a la même activité », souligne Estelle. Cette diversité peut aider à s’intéresser à l’autre, et à se rendre volontiers quelques services. Rue de Lorraine, les Beaunois se retrouvent à une terrasse, aux Mille et Une Vignes ou au bar QG, le rendez-vous favori des lycéens.
Aussi au Clos Vougeot
Le mariage représente 70% de son activité. Son atelier est fait de longues robes blanches, champagne ou ivoire. Les dos nus ne sont jamais très loin non plus. « Je confectionne aussi des vêtements féminins pour les chapitres du Clos de Vougeot où le code vestimentaire est très sélect : smoking pour les hommes et robe de soirée pour les dames », commente-t-elle au milieu d’un amas de foulards colorés faits main, et même de masques de protection particulièrement gais et ouvragés.
Avant de venir à Beaune, où elle goûte à une vie « presque de village », Estelle a bourlingué. Par monts et par vaux pour les études, essayant sans enthousiasme le droit, les arts appliqués… « Imaginez ce que veut dire être styliste dans une famille d’entrepreneurs de travaux publics, s’amuse-t-elle sans rien renier. Mon désir de liberté a fait que je me voyais créatrice de mode. » Suivront trois fabuleuses années de formation à Marseille. Puis, tirant le fil d’un long apprentissage, elle remonte à Lyon où elle crée des motifs de tissus d’ameublement pour une entreprise. Retour à Paris, dans diverses boites de mode où, grosse désillusion, ses rêves de stylisme se heurtent à un travail d’exécution. Puis viendront les grands voyages et le rock’n roll : un long crochet par l’Angleterre, l’Amérique du Nord ou le Mexique pour « voir le monde autrement et toucher à d’autres cultures, en alternant travaux saisonniers et vadrouilles ».
Cette ouverture d’esprit la conduira à assumer les demandes les plus insolites, comme celle de concevoir une robe autour d’une paire de chaussures (sans doute Cendrillon ?). Pour chaque création, « en cinq ou six mois de travail, je suis amenée à connaître toute la famille, copines, sœurs, frères, témoins, parents venus assister à une séance d’essayage », savoure Estelle. Cette marque de confiance finit d’ailleurs très souvent par une invitation au mariage. Comme ce jour où, au château de Meursault, sa robe a été admirée par 900 convives. Vivement le retour de la saison des amours pour que tout cela recommence.