Sous les projecteurs, le ballet des stars qui font monter les enchères de la Vente des Hospices de Beaune. En « off », à mi-chemin entre business et convivialité, la Bourgogne puise dans son terroir une dimension planétaire. La discrète Université automnale et bachique portée par la Compagnie des Vins d’autrefois illustre à merveille le propos.
Il y a ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas. La Vente des Hospices de Beaune s’expose au monde entier quand les enchères montent, avec ou sans Laurent Gerra. Elle est le phare de la production viticole bourguignonne, la Mecque de la presse plus ou moins spécialisée, le point de ralliement de toutes les attentions sur l’état de santé financier autant que sanitaire du dernier millésime.
A la marge de cet événement protocolaire réservé aux acheteurs et à une princesse qui est censée les faire bourse délier, il y a une dimension populaire qu’incarnent à la fois la fête artisanale, le concours de débouchage de bouteilles, les déambulations d’un Nicolas Peyrac dans les rues de la ville, ou encore le semi-marathon qui lâche sa meute de plusieurs milliers de concurrents dans les vignes.
Mais ce que l’on ne voit moins, se passe dans les coulisses de la vente et au fond des caves. Comme cette dégustation exclusive, à Gevrey où, jeudi soir, profitant de l’élan provoqué par Beaune, les vignerons ont exposé aux journalistes et blogueurs spécialisés, l’excellence (confirmée par nous) du millésime 2012. Dans chacune des grandes maisons beaunoises, on pousse le bouchon de la convivialité et du partage à son maximum. Souvent, dans le cadre feutré de salons particuliers, se jouent des négociations de dimension internationale. Que dire encore de la troisième glorieuse qui, lundi prochain, réunira quelques centaines de privilégiés dans le cadre du château de Meursault, pour participer à ce que l’on peut sans conteste désigner comme la plus grande et la plus exclusive paulée du monde ?
Entre jarret et paleron
Enfin, il y a l’Université automnale et bachique. Elle est la signature discrète, chaque année, le vendredi, de La Compagnie des Vins d’Autrefois. Jean-Pierre Nié, son patron, rassemble, pour une journée et en amont de la Vente, près de 150 « étudiants » venus du monde entier : clients, fournisseurs, quelques grands vignerons de Bourgogne, de Corse et d’ailleurs, amis d’enfance aussi, beaucoup de gens aux parcours exceptionnels qui ne sont pas là pour la démonstration. La discrétion et la réserve sont le propre de ceux qui n’ont plus rien à prouver. Après une dégustation sur fûts aux Hospices, les choses sérieuses commencent au château de Santenay. L’immense tablée est aussi mondiale que bourguignonne. Mais du Japon aux Etats-Unis, ce voyage universitaire en passe toujours par la Bourgogne.
On salue au passage Elisabetta, l’une des plus grandes dames de Toscane. Elle vient ici tous les ans par amitié. En ce millésime 2013, elle pose aussi les bases d’une grande fondation internationale destinée à faire découvrir les vignobles du monde aux futurs vignerons. Le public présent se montre (naturellement) généreux.
Entre jarret et paleron, signes distinctifs que l’ambiance est volontairement familiale, on parle de la tenue des marchés sans forcer plus que cela le trait. A tout moment, l’esprit de fête et les valeurs bourguignonnes reprennent en effet leurs droits. Au contact de cette étonnante galerie de personnages, on prend subitement conscience que le vin n’est pas un produit banal, qu’il est un rassembleur unique. Il provoque la rencontre, révèle la culture et libère les esprits. Pour ces moments-là, que le commun des mortels ne peut partager (sinon, où serait l’exceptionnel ?), la Vente des vins conserve bien des mystères, au-delà du brouhaha médiatique du dimanche. Ici, le « off » est souvent bien plus fort que le « in ».
Dominique BRUILLOT