Directeur de l’association des Climats du vignoble de Bourgogne depuis 2016, Bertrand Gauvrit sera décoré de l’ordre national du Mérite, vendredi 7 juin à Beaune. Entretien.
Le 7 juin, vous serez officiellement décoré de l’ordre national du Mérite. Quel sens donnez-vous à cette distinction ?
Bertrand Gauvrit : « En m’investissant depuis 30 ans dans le domaine de l’écologie, du développement durable puis de la protection et de la valorisation des patrimoines naturels, culturels, exceptionnels ou du quotidien, je ne pensais pas être un jour l’objet de tant de reconnaissance et recevoir une telle distinction. C’est évidemment un honneur pour moi et les valeurs que m’ont inculqué mes parents : l’ouverture aux autres, le partage, le sens de l’intérêt général et enfin l’engagement. Mais avec beaucoup d’humilité, je sais que je partage cette distinction avec toutes les belles rencontres faites lors de mes différentes fonctions au Muséum National d’Histoire Naturelle, sur le Grand Site de France « Puy Mary – Volcan du Cantal » et ici aux Climats. C’est à toutes ces belles personnes que je pense, mes équipes et mes présidents bien évidemment, mais aussi tous les élus, partenaires et acteurs locaux sans qui nous, animateurs d’un territoire, nous ne sommes rien.
À votre arrivée en 2016, vous vous définissiez comme un « développeur », fonctionnant projet par projet. Huit ans plus tard, qu’y a-t-il dans la colonne « fait » aux Climats ?
Un développeur respectueux et garant des valeurs du site bien évidemment ! Nous avons porté de nombreux projets grâce au financement des collectivités, de l’interprofession viticole et de tous nos mécènes : plus de 200 chantiers de restauration du patrimoine viticole, de protection des terroirs, des paysages viticoles et de nos villes et villages, le lancement d’un Fonds Biodiversité, la création de la Maison des Climats puis de la Cité des Climats et vins de Bourgogne à Beaune, nos évènements dont le Mois des Climats, la formation des acteurs économiques et d’Ambassadeurs… et tant d’autres projets !
Et dans la colonne « à faire » ?
Il reste tant à faire pour à la fois poursuivre nos missions et s’adapter aux nombreux enjeux : poursuite de la connaissance scientifique comme par exemple sur nos caves, patrimoine souterrain méconnu, la création de monographies sur nos 40 communes, l’animation des villages de la Route des Grands Crus de Bourgogne, le lancement d’une stratégie pédagogique ambitieuse… Sans jamais oublier que notre premier rôle est de veiller au respect des valeurs exceptionnelles du site Patrimoine mondial.
La Cité des Climats et vins de Bourgogne est-elle l’outil décisif dans la stratégie pédagogique de l’association ?
La Cité de Beaune était en effet un projet majeur du plan de gestion des Climats, validé le 4 juillet 2015. Elle constitue aujourd’hui un magnifique écrin qui accueille le Centre d’interprétation principal des Climats – Patrimoine mondial. Cet outil de médiation parle autant aux visiteurs qu’aux locaux qui souhaitent comprendre leur Bourgogne viticole. Ce lieu se veut complémentaire de nos sites historiques et emblématiques comme le château du Clos de Vougeot, les Hospices de Beaune ou le Palais des Ducs. Beaucoup de biens Unesco vont nous l’envier !
Peut-on parler des Climats aux enfants ?
Les Climats sont inscrits comme paysage culturel, et en tant que tel, de nombreux volets intéressent les enfants, futurs acteurs du site. Être inscrit au Patrimoine mondial, c’est aussi aller à la rencontre des habitants, les sensibiliser aux valeurs du Patrimoine mondial partout sur le territoire. En plus de nos présences régulières sur le terrain avec nos bénévoles, nous réaffirmons cette ambition à partir de 2024 avec notamment le lancement d’un programme pédagogique auprès des jeunes en école primaire, collège et au lycée.
Quelle place occupe la Bourgogne dans le cœur d’un Nantais amoureux des volcans du Cantal ?
J’ai eu la chance de diriger pendant 15 ans la destinée du plus grand volcan d’Europe, le volcan cantalien (et de trouver ma femme aux portes de l’Aubrac) ! C’était une aventure magnifique, passionnante, tellement enrichissante pour moi. Je ne connaissais pas vraiment la Bourgogne en postulant ici, et encore moins les Climats (ce qui permet justement la neutralité et l’objectivité nécessaires à mes missions). La région a un pouvoir d’attraction important, avec une image d’héritage culturel très fort. Mais c’est selon moi encore bien loin de ce qu’elle est réellement. J’ai découvert ici toutes ses richesses, paysagères, patrimoniales et surtout humaines… J’ai été happé par son caractère envoutant et son dynamisme, mais surtout par un héritage toujours extrêmement vivant. Plus personnellement, ce sont les merveilleux souvenirs de mon grand-père qui ont ressurgi, vigneron sur les terres du Muscadet et du Gros-plant-du-pays-nantais…
Enfin, huit ans de Climats, cela fait quelques moments de partage, avec des personnalités que l’on imagine inspirantes. Lequel de ces moments vous a le plus marqué et pourquoi ?
Professionnellement, je crois que l’accueil à Beaune et au château Clos de Vougeot en 2021 de tous les sites français inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco a été un moment extrêmement fort. Notre gestion étant jugée par nos pairs et leurs chaleureux témoignages nous ont prouvé que nous n’avions pas à rougir de notre gestion face à d’autres monuments français comme Versailles, Fontainebleau, le pont du Gard ou encore nos magnifiques cathédrales. Plus personnellement, j’ai la chance de côtoyer régulièrement LA personnalité des Climats et de la Bourgogne, l’homme qui a fédéré tous les partenaires et fixé le cap, un cap basé sur les valeurs des Climats et sur l’intérêt général de les protéger et de les transmettre. Je ne connais personne ailleurs qui allie un tel charisme, reconnu dans le monde entier, tout en conservant autant de discrétion, de simplicité, de droiture. Il était pour moi évident qu’Aubert de Villaine devait être celui qui me remettrait cette médaille de l’ordre national du Mérite. Je suis tellement heureux qu’il ait accepté, accompagné de Guillaume d’Angerville et Gilles de Larouzière qui lui ont succédé avec brio à la présidence de notre belle association. »