En annonçant la réduction du nombre de régions, François Hollande a lancé un pavé dans la mare. Ou plutôt, un caillou dans une partie de ricochet. Car si politiques et citoyens sont divisés sur la question de la fusion entre Bourgogne et Franche-Comté, l’idée n’est pas franchement un lapin sorti du chapeau. Demandez plutôt aux ducs de Bourgogne…
Par Emmanuelle de Jesus & Antoine Gavory/Agence Proscriptum
En dehors de propositions politiques faites il y a déjà plusieurs années, notamment par Édouard Balladur, de rapprocher la Bourgogne et la Franche-Comté, il y a une explication historique toute bête à cela : pendant trois siècles, les deux régions faisaient partie de la Bourgogne. Bon, oui d’accord, c’était il y a 700 ans. Comme le service à avocats des années 70 hérité de maman, la Bourgogne et la Franche Comté c’est un service deux-pièces, cadeau de mariage un peu embarrassant.
On fait simple (mais il faut suivre un peu quand même). À l’origine, la Franche-Comté s’appelle « Comté de Bourgogne », et est rattachée à l’empire germanique des Habsbourg. L’actuelle Bourgogne, « Duché de Bourgogne » rattachée au royaume de France. Dans le Comté, il y a Adélaïde qui épouse Hugues de Chalon, qui par des liens familiaux a des terres dans le duché. Leur petite-fille, Jeanne III de Bourgogne épouse Eudes, duc de Bourgogne, en 1318. Philippe Ier, petit-fils de Jeanne et Eudes hérite du comté et du duché, mais meurt sans héritier. Jean II le bon, roi de France était si bon qu’il reprend tout et le donne à son fils Philippe le Hardi. Mais Philippe et ses successeurs, parmi lesquels Jean sans Peur, voulaient être roi à la place du roi et assoient l’idée de l’État Bourguignon, concurrent direct du royaume de France. Quand le dernier de ces courageux inféodé, Charles, bien que Téméraire passe l’arme à gauche, le duché bourguignon est en lambeaux. Louis XI récupère la partie française, les Habsbourg, par une alliance, la Franche-Comté en 1477 et la filent à l’Espagne. Et cela va encore durer 200 ans jusqu’à ce Louis XIV, en 1678, ait la moutarde qui lui monte au nez, mette les pieds dans le plat, fasse la paix avec l’Espagne et dise « le Comté c’est pour moi ! ». L’Espagne, bien décidée à ne pas en faire tout un fromage dit : « d’accord » (ou plutôt : « ¡ Sí ! »)
Dans tout cela un Franc-comtois y perdrait son origine. Mais bon depuis ça se passe pas mal entre Bourgogne et Franche-Comté. Car les deux régions ont des valeurs communes sur lesquelles, à dijonbeaunemag.fr, on ne transige pas : le vin et le fromage. Car si l’on sait que la Bourgogne est le producteur de grands crus, on sait moins que la Franche-Comté est la seule région au monde où l’on produise cinq sortes de vins différents : les rouges, les blancs, les rosés, les jaunes et les vins de paille. Et si l’on connaît le comté, star du gratin, la Bourgogne peut s’enorgueillir d’une bonne cinquantaine de fromages différents. Or n’importe quel citoyen un peu au fait des choses vous le dira : un bon verre, accompagné d’un morceau de bon fromage, il n’y a rien de tel pour devenir copains. Enfin pour ceux qui en douteraient encore, la recette dijonnaise emblématique, le poulet à la Gaston-Gérard, ne serait rien sans un poulet (de Bresse, donc à cheval sur les deux région), du vin blanc (de Bourgogne) et du comté (pour la sauce). Si ça, ce n’est pas un acte militant pour la fusion, on n’y comprend rien !
En dehors de ça, la Bourgogne et la Franche-Comté sont administrativement et depuis longtemps une seule et même région : pour les médias – France 3 – pour les organismes bancaires et sociaux qui rayonnent sur les deux régions, pour plusieurs institutions, pour les étudiants, dans le cadre du Pôle de recherche et d’enseignement supérieur Bourgogne Franche-Comté. Les esprits chagrins ajouteront même que l’on est tellement liés que Dijon a fait cadeau de l’aéroport régional à son voisin mais bon, restons courtois. Dernière info pour ceux qui parlent de la perte d’identité : les régions administratives ont été créées en 1963. Ce qui n’empêche pas une identité séculaire, bâtie sur des ducs, du fromage et du vin : n’est-ce pas, Gaston ?