Brasserie de France x Armand Heitz x Pascal Charles : bière et vin, chemin commun

Chez Brasserie de France à Beaune, la bière fait « fût » de tout bois, surtout quand on lui applique un élevage à la façon des vignerons. Armand Heitz et Pascal Charles, qui viennent de produire leur propre gamme, témoignent de ce que peuvent apporter leurs procédés viticoles à une bière de terroir. Goût et circuit-court sont les grands gagnants de l’histoire.


Le brasseur Arthur Lacroix (Brasserie de France) et les vignerons Armand Heitz et Pascal Charles : ou la rencontre entre deux mondes pas si éloignés, qui se parlent et s’inspirent. © Jean-Luc Petit / DBM

Deux vignerons, deux générations, une même vision de ce que doit être la bière. Armand Heitz et Pascal Charles ont trouvé avec Brasserie de France un excellent moyen d’élargir leurs productions et leur esprit. En s’implantant à Beaune, la brasserie artisanale a inscrit dans ses gênes une forte notion de connexion territoriale. Cette recherche de proximité concerne aussi bien les approvisionnements  que la gastronomie locale (DBM l’a régulièrement souligné) et, naturellement, le monde viticole.

Casser les codes 

Armand Heitz revendique le métier de vigneron-paysan en Côte de Beaune. Chaussettes hautes et idées larges, ce trentenaire a intégré la bière à d’autres activités (élevage, épicerie, restauration, hébergement), en accord avec ses valeurs. Son partenariat avec la brasserie beaunoise remonte à 2022. Il s’est concrétisé par une gamme élevée en fûts de vin et une autre à base de céréales qu’il produit, toutes victimes de leur succès. Avec, au bout du process, le recyclage des drêches (résidus de céréales après extraction) afin de compléter l’alimentation de ses vaches dans le Couchois. Bref, l’intelligence en circuit-court. 

Armand et Brasserie de France viennent de remettre ça. Avec une idée fixe : si le vin de Bourgogne est monocépage, alors la bière doit être monocéréale. L’enjeu est de casser les codes et replacer au premier plan des ingrédients, une provenance, un savoir-faire : « Dire blanche, blonde ou ambrée pour catégoriser une bière n’a pas beaucoup de sens à mes yeux. Comme si pour le vin, nous réduisions les appellations Alsace, Bourgogne ou Loire à vin blanc, vin rouge ou rosé », avance l’intéressé, qui préfère donc anoblir le blé, le seigle et le sarrasin. Dans le même esprit, une bière à base de houblon local (lire encadré page ci-contre) vient même de faire son apparition.

Bières grand cru

De son côté, Pascal Charles gère en bon père de famille,une jolie exploitation de 14 ha basé à Nantoux, avec ses filles Pauline et Marie. C’est un amateur de bières (et de blagues) belges depuis qu’il reçoit au domaine nos voisins du plat pays. « Mais je me demande si je ne leur achète pas plus de bières qu’ils ne me prennent de vin », glisse le vigneron pince sans rire, qui a également fait la rencontre décisive de Jean-Claude Balès. Le cofondateur de la brasserie artisanale n’a pas mis longtemps avant de lui parler bière et vin…

Pascal est justement un adepte des élevages originaux. Citons les vins blancs moelleux (une rareté par chez nous !) qu’il produit avec des raisins issus de vendanges tardives, ou ces Hautes-Côtes de Beaune élevés dans d’étonnants foudres ovoïdaux qu’il a baptisés « menhirs ». « L’idée de produire un peu de bière en conservant les procédés viticoles me trottait depuis longtemps, j’ai dit banco ! »

Arthur l’éleveur de bière

C’est là qu’intervient le brasseur. Chez Brasserie de France, l’homme de la situation s’appelle Arthur Lacroix. Originaire de Verdun-sur-le-Doubs, passé par AgroSup Dijon, ce jeune pro se considère avant tout comme « un brasseur en Bourgogne ». Cela fait toute la différence dans cette approche située à l’exact milieu de la bière et du vin. « L’idée n’était pas de proposer un faux produit, en faisant de la bière au vin, mais bien de transcender la bière, en trouvant l’équilibre entre deux univers qui ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre. »

En résultent des nectars avec des profils aromatiques très complémentaires, dont le niveau  « matche » avec la belle gastronomie. Peu houblonnée, la bière de Bourgogne « grand cru » du domaine Charles bénéficie d’un procédé unique de double fermentation en cuve inox et en fût de chêne. Ces derniers ont fixé, l’espace d’une dizaine de millésimes, les parfums de Pommard, Volnay ou Hautes Côtes de Beaune. Trois menhirs déclassés sont spécialement  dédiés à l’élevage de la très exclusive « cuvée du Menhir » (lire encadré). Le résultat est à la hauteur. Le mieux reste encore de goûter pour se faire une idée !

👉 Pour découvrir les bières Armand Heitz et Charles Père & Filles, RDV sur brasseriedefrance.com – 8 à 15 euros le flacon de 75 cl, 20 euros pour la cuvée du Menhir. 

Un voyage de gamme en gamme

Armand Heitz
Une gamme « classique, simple, travaillée avec la céréale locale » : l’une au blé, l’autre au seigle, la troisième au sarrasin. La petite révolution réside dans une quatrième « bière au houblon », ingrédient qui fait non seulement partie de la recette de base mais peut servir d’exhausteur. « Une nouvelle manière de faire comprendre la bière, avec une grande différence organoleptique qui vient du houblon Magnum, à la fois amérisant et aromatique, avec des saveurs subtiles d’agrumes », commente le brasseur. Ce houblon provient de la Houblonnière du Château, ferme bio située à Corberon, à 10 km des cuves. Enfin, best seller de 2022, une cinquième gamme issue d’une « fermentation sauvage », élevée dans des fûts ayant abrité un vin de Pommard, joue sur du velours : onctuosité et gourmandise, avec de fines notes boisées et de fruits rouges.
💶 De 8 à 15 euros le flacon de 75 cl
👉 armandheitz.com

© Jean-Luc Petit / DBM

Domaine Charles Père & Filles
Le vigneron de Nantoux propose deux gammes distinctes : une bière de Bourgogne « grand cru », à base de malt d’orge, de malt de blé de Bourgogne et d’un soupçon de houblon vert. « Un brassin peu houblonné, pour que le produit de base soit assez neutre et fasse corps avec les tannins du vin que le bois a renfermés pendant l’élevage. » L’autre bière, à la production plus confidentielle (1 300 bouteilles), est baptisée cuvée du Menhir en hommage à son étonnant contenant. « Sa forme ovoïdale permet un bâtonnage naturel, qui remue les lies fines et révèle les marqueurs du pinot noir », commente notre Obélix bourguignon. À la dégustation, l’attaque est effectivement vineuse, avec une trame finement acide, et se prolonge sur des notes céréalières réconfortantes.
💶 De 15 à 20 euros le flacon de 75 cl
👉 domaine-charles.com

© Jean-Luc Petit / DBM