Budget 2025 : l’université de Bourgogne renvoie l’État à ses études

Vincent Thomas, président de l’université de Bourgogne (uB), comptait parmi la délégation de France Universités qui a été reçue jeudi dernier par le ministre de l’Enseignement supérieur pour lui faire part de ses inquiétudes. Si les baisses de budget persistent, quatre universités sur cinq risquent en effet de terminer l’année universitaire en déficit.

Vincent Thomas est depuis 2020 le président de l’université de Bourgogne, 35 000 étudiants et 3 000 personnels. ©Jean-Luc Petit

« Budget 2025 : universités en danger ! », clament les universités françaises, qui se creusent la tête pour construire leur feuille de route. Mobilisées suite à l’assemblée générale de France Universités, le 21 novembre, celles-ci ont obtenu un rendez-vous en urgence auprès de Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Un moyen pour les présidentes et présidents, dont faisait partie Vincent Thomas, de dire leur incompréhension du projet de loi de finance 2025.

En cause, le manque voire l’absence de compensations vis-à-vis des universités, confrontées à de nouvelles missions : développement de l’appui à l’insertion professionnelle, meilleure prise en charge du handicap, actions en faveur de la santé étudiante, lutte contre le sexisme et le harcèlement, transition écologique…

« Au total, nous sommes déjà à 7,4 millions d’euros non compensés au titre du budget 2025 », estime dans un communiqué amer le président de l’université de Bourgogne, qui compte 35 000 étudiants et 3 000 personnels.

Un fonds de roulement amputé

De même, différentes mesures nationales ont été prises récemment en matière de ressources humaines, qui devront en grande partie être financées par les universités elles-mêmes. C’est le cas des notamment des mesures indiciaires de revalorisation dites « Guerini », une charge de 4,2 millions d’euros pour l’université de Bourgogne en 2024, surcoût qui sera reconduit en 2025.

« Sans remettre en cause l’intérêt de ces mesures pour notre communauté et la société dans son ensemble, il convient de rappeler que l’État doit assumer ses choix et ne peut laisser à la charge de ses opérateurs le financement des mesures qu’il annonce. Un principe de bon sens est que le décideur (l’État) soit le payeur ! », estime Vincent Thomas.

Jusqu’à présent, le niveau des ressources propres dégagées par les universités a permis de limiter la casse. Mais l’annonce récente du gouvernement d’augmenter, sans compensation, les cotisations du Compte d’affectation spéciale (CAS) destiné au régime de retraite des fonctionnaires (une dépense supplémentaire de près de 3,5 millions d’euros pour l’uB) est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, et risque de grever considérablement le fonds de roulement des établissements.

Un fonds déjà amputé l’an passé de 16 millions d’euros, qu’il a fallu prélever pour assurer l’équilibre du budget initial établi à environ 307 millions d’euros en 2024 (20 de moins qu’en 2023). Une première que n’avait pas manqué, déjà, de souligner Vincent Thomas.

Une « asphyxie budgétaire » évoquée

« Cette réserve n’est pas un “trésor de guerre”, comme certains pourraient le dire ou d’autres le croire. Il est le résultat d’une gestion saine et scrupuleuse qui permet à l’établissement d’investir en portant des opérations structurelles indispensables s’inscrivant sur le long terme au service de nos étudiants et de nos personnels. « Nous contraindre à prélever massivement sur ce fonds de roulement pour le dégrader, voire le rendre nul, entraînera une asphyxie budgétaire totale », craint le président de l’université tricentenaire.

Face à ce désengagement progressif de l’État, les universités se verront contraintes de freiner leurs initiatives notamment en matière de rénovation bâtimentaire, d’appui à l’innovation et à la recherche mais aussi en matière d’investissements pédagogiques et d’offre de formation. Un recul en perspective, alors que les universités françaises ont acquis ces dernières années une certaine visibilité dans les classements internationaux.

Selon Vincent Thomas, cette situation est « un coup dur porté à celles et ceux qui, au quotidien, s’investissent dans nos établissements ; un coup dur porté au rôle d’ascenseur social que sont les universités pour nos étudiants ; un coup dur porté à l’action de développement économique auquel nous contribuons largement dans nos territoires ». L’inquiétude est légitime, puisqu’il en va de l’attractivité de l’enseignement supérieur et de la recherche publics en France, à l’heure où ces domaines sont de plus en plus soumis à la concurrence nationale et internationale.