Permettre aux entreprises d’accueillir une personne en insertion pendant trois à six mois, la nuit et le week-end : le dispositif Bureaux du Cœur arrive à Dijon grâce à ID’EES 21 et AVS Communication. Eric, un Dijonnais de 63 ans, a maintenant un toit et des raisons d’espérer un avenir plus serein.
Il est le premier en Côte-d’Or et aimerait autant ne pas rester tout seul. En rejoignant spontanément Bureaux du Cœur, découvert par hasard sur internet, Arthur Deballon veut convaincre du « rôle social et sociétal d’une entreprise ». Un monde existe pour des structures d’insertion et des dirigeants prêts à accueillir temporairement un « invité ». Ce terme jette un voile pudique sur des situations individuelles précaires et diverses, des parcours de vie accidentés qu’il convient d’aborder avec écoute et dignité. Né il y a quatre ans grâce à un entrepreneur nantais, le dispositif s’est étendu à 25 villes de France et quelques voisines européennes (Barcelone, Lisbonne, Bruxelles).
L’entreprise hôte aménage alors un lieu adapté, un bureau ou un espace de coworking, pourvu qu’un couchage, un point d’eau et un micro-ondes soient dans les parages. Chez AVS Communication, depuis le 22 février, un bureau de 40 m2 et un lit sont spécialement mis à la disposition d’Eric. « Plus grand qu’un logement étudiant », trouve le moyen de plaisanter ce Dijonnais de 63 ans.
« J’ai le moral, j’ai remonté la pente »
Eric revient de loin, entre la perte brutale d’un emploi et six ans de sa vie passés sous une toile de tente. « J’ai le moral, j’ai remonté la pente », témoigne cet électricien de métier, accompagné par l’entreprise d’insertion Group’Idées 21 à Chenôve. Un nouveau quotidien s’est mis en place. Dodo chez AVS. Petit café à la machine. Bus-tram-bus pour le boulot. Une complicité simple et touchante s’est installée entre Eric et ses hôtes, « tous très gentils ». « Quand je pars travailler à 6h, je croise parfois Arthur, le bourreau de travail, que je vais saluer. »
Chargée de développement bénévole pour les Bureaux du Cœur, Hélène Tonetti y voit un excellent moyen de « faciliter le retour à un emploi durable, le logement faisant partie des principaux freins sociaux. Eric nous a rejoints en octobre 2023 et a entamé un parcours d’insertion pouvant durer 18 mois, accompagné par une travailleuse sociale ». L’ange gardien d’Eric s’appelle Dalila. Cette professionnelle d’ID’EES 21 sécurise la relation entre les parties prenantes. Elle identifie les profils compatibles avec ce genre de solution d’urgence bien particulière. Bureaux du Cœur fut une telle découverte qu’elle souhaite en devenir une référente locale.
La connaissance de l’autre
Cette opération repose naturellement sur la connaissance de l’autre et l’abandon des aprioris. « Le dirigeant et l’invité se rencontrent, échangent, puis nous mettons en place une convention entre les parties, sur une durée de trois mois renouvelable une fois, avec un règlement intérieur pour organiser le quotidien », détaille Jennifer Pierre, responsable communication du groupe ID’EES.
Car tout cela reste temporaire. Bureaux du Cœur est un « sas » avant les lendemains meilleurs. « Nous avons déposé une demande de logement pour Eric, en lien avec notre partenaire Action Logement. Ce vécu dans un hébergement atypique peut aussi rassurer un propriétaire classique : le futur locataire prouve qu’il sait se conformer à des règles de vie en collectivité. » En l’occurence, Eric ne peut réprouver une curiosité naturelle pour les métiers du spécialiste de la signalétique et son parc machine. « Mais surtout, je ne touche à rien », s’est-il promis.
Présent ce jeudi lors de la soirée de présentation, Antoine Hoareau, adjoint au maire délégué aux solidarités et à l’action sociale, ne peut qu’applaudir l’initiative. « J’espère qu’elle va faire des petits à Dijon. On touche ici à la question sensible du logement : sur la métropole dijonnaise, 12 000 demandes de logements sociaux sont en attente et nous en attribuons 3 000 par an. Si nous construisons – certains nous le reprochent – c’est pour héberger la population et en particulier ceux qui en ont le plus besoin. »
Des freins à lever
Pas naïf sur les freins à lever, ni sur les commentaires que cette initiative peut inévitablement provoquer, Arthur Deballon a pris soin de faire témoigner Emilie Martin, du cabinet dijonnais Spiegel-Blétry-Martin. Son assureur a plus qu’assuré. « Ce cas de figure si loin nos sinistres habituels nous motivait. Il a fallu convaincre le siège de la compagnie (ndlr, Aviva) qui avait d’abord refusé le dossier au motif que l’invité constituait une aggravation du risque, étant donné que nous assurons le bâtiment et son contenu. Or même si l’invité n’est pas un veilleur de nuit, on peut le voir aussi comme une présence humaine nocturne potentiellement salvatrice… Nous avons été bien aidés par Bureaux du Cœur. L’élément décisif fut finalement le témoignage vidéo d’Alain, invité dans une entreprise à Lille. »
Un dont-acte, sorte de lettre-avenant « tenant sur une page », moins contraignant qu’un avenant classique, fixe alors les conditions assurantielles face à cette nouvelle configuration. Ensuite, en principe, rien n’est plus à craindre. Bureaux du Cœur fait même espérer.