Ingénieure de formation, motivée depuis (et pour) toujours par l’environnement, la nouvelle directrice régionale du groupe EDF a inscrit trois mots clés sur sa feuille de route : décarbonation, réindustrialisation et emploi.
Ingénieure formée entre son Espagne natale et Paris (Université polytechnique de Madrid et CentraleSupélec), Carmen Munoz-Dormoy a assumé de nombreuses responsabilités au sein du groupe EDF, où elle évolue depuis 1997 dans les domaines du management, du commercial et de la R&D.
Ce profil rare, à l’aise aussi bien sur des questions très techniques que dans les relations publiques, lui a permis dernièrement de diriger des activités de recherche d’EDF. Auparavant, elle était à la tête d’Enedis Champagne-Ardennes (2012-2016) et Citelum (2016-2020), filiale d’éclairage public d’EDF intégrée depuis au sein de Dalkia.
Marraine d’« Elles bougent », association pour la féminisation des métiers de l’ingénierie, cette femme de tempérament et de projets retrouve à Dijon un environnement familier. Elle connait la région puisqu’elle a suivi de près le projet OnDijon. « J’ai beaucoup de plaisir à m’y installer, je me sens proche culturellement de l’est de la France, des enjeux partagés par les territoires ruraux. J’avais adoré mon passage en Champagne-Ardenne. L’action territoriale m’importe, je suis fondamentalement une collectiviste », explique la nouvelle boss d’EDF en région.
Le chemin à parcourir
La feuille de route est tracée. Elle place au premier plan les enjeux de décarbonation. « Les experts du GIEC s’accordent à dire qu’on va pas assez vite. Moi qui viens de la R&D, je le sais. Pour les chercheurs, ce n’est pas une surprise », dit celle qui a pris l’habitude de lire tous les rapports du GIEC sur le sujet.
À ce titre, l’électrification des usages est un levier puissant. Sur les 86 TWh d’énergie finale consommée en BFC (chiffres 2021), 23,5% est d’origine électrique. « Cette proportion stagne depuis une dizaine d’années. Or tous les scenarii de décarbonation prévoient un cap de 55 à 60 % selon les pays : voilà le chemin qui reste à parcourir », annonce la directrice, tout en allant dans le détail de la production régionale : sur 11,8TwH d’énergie renouvelable produits, 3,31 provenaient des sources habituelles (hydraulique, photovoltaïque, éolien), et 7,4TWh de la biomasse bois (dont le bois de chauffage chez les particuliers). Il faut donc encore faire le ménage dans les énergies fossiles. « Globalement entre 55 et 58 TWh à décarboner, c’est énorme ! »
« Draguer les industriels »
Carmen Munoz-Dormoy se fait ainsi la partenaire naturelle d’une réindustrialisation spécifique à la BFC, où EDF est un acteur important avec 7 600 collaborateurs – dont 3 000 rien que pour la Saône-et-Loire, pour 850 en Côte-d’Or. « Un partenariat avec France Travail nous permet de viser 400 à 600 embauches par an sur les dix prochaines années, entre création de poste et renouvellement des équipes, dans tous les métiers. »
EDF BFC est en outre un maillon important de la supply chain du nucléaire, et produit 50 à 60% pour d’autres exploitants nucléaires. C’est le cas historiquement avec Framatome et, depuis 2024, Arabelle Solutions. Cette firme produit des turbines en partie destinées aux réacteurs EPR. Elle a intégré le giron d’EDF et se positionne comme un acteur important de la stratégie gouvernementale basée sur le mix renouvelable-nucléaire.
Les directives nationales entrainent une hausse d’activité très forte sur les métiers industriels, « ce qui va générer un appel d’air chez nos fournisseurs », prévoit Carmen Munoz-Dormoy. D’où l’enjeu de redynamiser nos bassins industriels en Bourgogne-Franche-Comté, où les intérêts communs sont nombreux.
« Je compte m’impliquer avec les acteurs de la région pour contribuer à la réindustrialisation. Quand j’ai rencontré l’Agence économique régionale (AER), je leur ai dit qu’ils pouvaient compter sur moi pour draguer des industriels qui cherchent à s’implanter dans la région », prévient la dirigeante, dans son style cash et déterminé, avec cet accent castillan que l’écosystème va entendre de plus en plus. Ce message-là est bel et bien passé.