Nanar pour les uns, gain de temps et d’efficacité pour les autres, la vendange mécanique divise. Notre vendangeur globe-trotteur Guillaume Baroin en a fait l’expérience au domaine Fichet, à Igé (71). Verdict : aussi douloureux qu’une journée accroupi la tête dans le rang !
Par Guillaume Baroin
La Bourgogne viticole s’offre toute entière aux photographes avides de lumières pures comme crachées des nuages. Elle leur sert sur un plateau des sourires sincères de vendangeuses, des mains qui se lient, des hottes de généreuses grappes qui se vident d’un coup de rein, des vignes au décolleté panoramique… Mais il existe un aspect beaucoup plus terrien. L’humain a créé des machines pour l’aider à travailler tout en réduisant son effort.
L’amour à la machine…
Il faut garder à l’esprit qu’une grande partie des appellations bourguignonnes et une part importante des chardonnays du Mâconnais récolte avec une machine à vendanger. Il était de mon devoir de vivre une fois une vendange mécanique. Direction le joli bourg d’Igé (71), ses 1000 âmes et ses 375 hectares de vignes. Après mon séjour en Côte de Beaune (lire les chroniques #1 et #2), me voici en Saône-et-Loire chez la famille Fichet. À peine le temps de saluer Olivier et Pierre-Yves, les frangins qui veillent sur leurs 35 hectares, qu’une remorque remplie de chardonnays arrive en cuverie.
On débute par le pompage du jus qui s’est naturellement écoulé dans le double fond de la remorque suite à la pression. On vide progressivement les raisins que la machine a aspirés… et bien d’autres choses. Je retrouve pêle-mêle des attaches de palissage, des feuilles, des pétioles, des insectes communs et d’autres plus surprenants. C’est le cas de ces mantes religieuses, rares prédateurs naturels des fameuses pyrales du buis qui ont fait beaucoup parler d’elles dernièrement. Les mantes vertes et blanches aspirées par la machine sont restées intactes ! Idem pour ces quelques lézards qui n’auront pas eu le temps… de lézarder.
Olivier retire le marc d’un des deux pressoirs pneumatiques. L’aide de ces grosses machines n’est pas de trop : en une journée, nous avons engrangé 3,5 hectares. L’équivalent d’une troupe de 90 vendangeurs (!) alors que dans notre cas « seules » sept personnes (cinq à la vigne, deux en cuverie) sont nécessaires. Je suis encore plus impressionné par la qualité du travail quand que je vois une grosse sauterelle verte gambader comme en sa prairie sur les peaux de raisins juste pressées. Preuve que le fruit de la vigne est bien traité.
17 bennes réceptionnées
Côté récolte, c’est moins la joie. Depuis le 2 septembre, début des vendanges au domaine avec les crémants (obligatoirement coupés à la main), le manque d’eau et le soleil estival on fait passer le rendement possible de 66 hectolitres/hectare (le maximum pour un mâcon-villages) à 35 petits hectolitres, soit le rendement d’un grand cru !
Entre les 17 bennes réceptionnées sur la journée, Olivier a lancé un débourbage statique, opération consistant à séparer les matières en suspension (bourbes) du moût avant la fermentation par sédimentation. Pascale, le bras droit d’Olivier en charge de la cave, a effectué plusieurs levurages (ajout des levures au moût pour déclencher la fermentation alcoolique). Pour ma part, j’ai mis en eau et apprêté deux tonneaux neufs, pratiqué le remontage de la cuvée de pinot noir de Burgy et effectué des contrôles de degrés. Fin de journée. Il est 18h30 moins quelques verres de Mâcon « La Cra » (mon péché mignon en mâcon-villages).
Tout compte fait, la journée aura été aussi fatigante qu’une journée de vigne. Pour Olivier, le travail de cave ne se terminera pas avant 23h, pour une reprise prévue avant le lever du soleil. Le bel astre n’est pas encore couché, mais je sais que je les suivrai de peu pour retrouver le vignoble de mon enfance, la Côte chalonnaise…