Démis depuis un an de l’agrainage sur les 4/5èmes du département, les chasseurs du département trouvent la note plutôt salée. 2 000 d’entre eux sont annoncés vendredi dans les rues de Dijon, pour dénoncer les 7,3 millions d’euros qu’on leur réclame au titre de l’indemnisation des dégâts agricoles, mais aussi pour mettre un terme à la mainmise de l’administration sur la gestion sanitaire du gros gibier. En toile de fond, la tuberculose bovine qui frappe tout particulièrement la Côte-d’Or.
D’un côté on leur demande de payer les dégâts de gibiers sur les cultures agricoles, de l’autre on les prive, depuis un an, de l’agrainage sur les 4/5èmes du département. Les 13 500 fusils de la Côte-d’Or, département au cœur de la bataille menée contre la tuberculose bovine, ont le sentiment d’être pris pour les blaireaux. Le blaireau, justement, est l’un des animaux visés par cette lutte qui, de manière induite, tente de contrecarrer la menace qui pèse sur la qualification « officiellement indemne » dont bénéficie encore la France.
Un sujet sous haute tension dans le 21. Au premier banc des accusés, le gros gibier. La découverte, à la fin des années 2000, de quelques sangliers et cervidés contaminés a ravivé la peur d’un transfert généralisé de la maladie dans les cheptels cote-d’oriens et conduit à l’abattage de troupeaux dans les fermes.
Dans un courrier adressé au président de la Fédération départementale des chasseurs Pascal Secula, le 27 septembre dernier, le préfet Pascal Mailhos souligne que la décision d’interdire l’agrainage sur une partie de la Côte-d’Or « s’est fondée sur le constat qu’aucune amélioration significative de la situation sanitaire au sein des élevages et de la faune sauvage n’était enregistrée. » Tout en affirmant être favorable à revoir sa position lorsque « les conditions d’une réduction significative et d’une maîtrise durable des populations de grand gibier seraient réunis. »
Il est vrai que le désarroi des agriculteurs dont on abat les animaux peut justifier la radicalisation de certaines mesures. Même si cette levée de l’agrainage aurait eu, selon les chasseurs, un effet des plus désastreux sur la situation sanitaire.
Une note salée
La note est plutôt salée des deux côtés. En un an, le montant de l’indemnisation des dégâts demandé par la profession agricole serait passé de 3 millions à 7,3 millions d’euros, soit plus de 300 euros d’augmentation par chasseur. De quoi énerver les payeurs contraints et forcés. « Nos craintes exprimées publiquement dès cette décision se sont malheureusement confirmées, les chasseurs-piègeurs démotivés ne piègent plus les blaireaux (ndlr : plus de 4 000 l’ont été en 2002), clame Pascal Secula, et les chasseurs de Côte-d’Or n’ont pas à assumer les conséquences financières d’une mauvaise décision administrative locale, au risque de les voir raccrocher les fusils et de voir des territoires abandonnés. »
La fédération puise donc dans ses réserves pour maintenir ses troupes en rang mais cela ne pourra pas durer. D’autant qu’un projet de contrat cynégétique, obligeant les sociétés de chasse locales à s’engager sur la régulation des populations de grands gibiers, quitte à exclure certaines d’entre elles en cas de non-respect des accords, et pourtant établi en concertation avec les pouvoirs publics, a lui aussi reçu une fin de non-recevoir de la part du préfet.
Excédés, les « fusils » côte-d’oriens vont descendre dans la rue vendredi prochain, sur le coup de midi. La fédération en prévoit 2 000, sonnant la charge « pacifiquement » avec leurs trompes de chasse. Ils demandent l’annulation de l’interdiction portant sur l’agrainage pour favoriser un retour raisonné à ce dernier. Mais aussi de provoquer sous la présidence du préfet « une réunion avec les représentants de la profession agricole au plus vite, afin de sortir de cette situation catastrophique à terme, pour toutes les parties. »
Qui d’autre est à même de s’occuper du prélèvement plus que souhaitable des grands gibiers ? Plutôt que d’affronter les cols blancs de l’autorité administrative, les chasseurs ne préféreraient-ils pas, en effet, qu’on les laisse s’occuper des cols verts et de la régulation de la faune menaçante ?
Dominique Bruillot