« S’il le faut, je vous ferais les poches, car nous allons décarboner la côte viticole dans les dix années à venir ». Face à de potentiels investisseurs, Christophe Rougeot ne se contente pas de revendiquer la construction de l’audacieuse Bio-Cité des Climats et vins de Bourgogne, il veut contribuer à rendre exemplaires nos plus grands terroirs.
En cette fraîche matinée de novembre, les esprits sont encore émus par un week-end de folie. La Vente des Hospices de Beaune a explosé tous les records. Plus de 31 millions d’euros récoltés en un après-midi, 810 000 pour la seule Pièce de Charité portée par l’acteur Benoît Magimel et l’animatrice Flavie Flament. Les uns applaudissent, au nom de la solidarité. Les autres le font aussi, tout en s’interrogeant sur les lectures de deuxième et troisième niveaux qu’il faudrait apporter à ce phénomène assez incontrôlable de la surenchère, proche pour certains du grand dérapage.
L’esprit est là
En Bourgogne, le vin est un produit de luxe, on le savait déjà. Mais jusqu’à quand et dans quelle mesure restera-t-il accessible aux Bourguignons eux-mêmes qui, tout autour de ce terroir prodigieux dont ils sont les premiers adorateurs, veulent construire de la valeur ajoutée locale, de l’œnotourisme, et mettre en lumière leurs culture et patrimoine. Il existe pourtant un lien entre la spiritualité monacale des découvreurs de nos Climats, sans laquelle rien n’aurait existé, et le délire des marchés mondiaux dont on ne retient que la dimension spectaculaire, pour ne pas dire « pipolisante ». Ce lien se nomme la culture.
La Bio-Cité des Climats et vins de Beaune ouvrira en mai prochain. Elle porte, dans le nom qu’elle s’est choisie, les promesses du respect de ce lien culturel et de la défense de l’environnement, elle chante l’incroyable spécificité de la mosaïque des terroirs bourguignons. Elle le fait bien, et même plutôt bien, d’autant que le cabinet Siz’-Ix signe avec elle une œuvre remarquable de sens et de perspectives. S’inspirant de la vrille de la vigne, puisant dans la pierre locale qui fait la richesse de nos vins, l’architecte Emmanuelle Andréani a conçu un outil beau et discret, audacieux et ouvert, digne de l’élégance bourguignonne. Tout sauf ronflant.
En cette fraîche matinée de novembre, chemine un groupe de « Playmobil » grandeur nature. Casques sur le front, chasubles Rougeot sur le dos, politiques, professionnels du vin et du bâtiment, journalistes et officiels conviés à une insolite visite de chantier, découvrent avec étonnement le chef d’œuvre en construction. Les matériaux sont bruts, mais l’esprit et là, bien travaillé en amont.
Un vent d’espoir
Puis, chacun y va de son discours. Le maire de Beaune, le président du Bureau interprofessionnel des Vins de Bourgogne, la présidente de la Région, le préfet… Au sommet de l’édifice, qui domine la côte viticole d’un point de vue totalement inédit, Christophe Rougeot, l’atypique constructeur du bâtiment prend à son tour la parole. Sa chevelure abondante et grisonnante lui sert de casque. Elle couvre un cerveau doué de l’intelligence émotionnelle. Christophe Rougeot salue le talent et l’engagement de son architecte, il convoque les moines de Cîteaux dans son évocation. Il se félicite de ses rapports avec les techniciens de la Ville de Beaune, maître d’œuvre de la Bio-Cité, avant d’en terminer sur la solennité d’une grande promesse : « Il ne faut pas s’arrêter là, il faut aller beaucoup plus loin, il faut décarboner complètement les 60 kilomètres de notre côte viticole, très vite, dès maintenant, je m’y engage ».
L’homme du BTP, que l’on sait investi dans la reconversion énergétique, profite de son audience pour embarquer dans son projet les chefs d’entreprise et les personnalités influentes présentes : « S’il le faut, je vous ferais les poches, ce sera pour la bonne cause, car nous nous efforcerons de réunir 50 millions d’euros de financement dans les 10 années à venir ». En cette fraîche matinée de novembre, le cœur chaud, un bataillon de Playmobil à taille humaine se retrouve enfin autour d’un petit buffet, au quatrième étage de la future cité en chantier. Un vent d’espoir soulève légèrement les casques et agite gentiment les chasubles. La Bourgogne fait le vœu de se protéger elle-même et d’elle-même.