La Cité internationale de la Gastronomie à Dijon va générer indirectement 200 millions d’euros d’investissements privés. Promis à Eiffage, c’est paradoxalement la réalisation d’un gros programme immobilier qui assure le financement du projet culturel conduit autour du « Repas gastronomique des Français » reconnu par l’Unesco.
Par Dominique Bruillot
Le « tram » avait mobilisé 400 millions d’euros, le nouveau CHU 350 et la Lino 160. Le programme de construction de la future Cité de la gastronomie et son corollaire immobilier arrivent donc à point nommé pour maintenir l’investissement local à un certain niveau. Mais ce n’est certainement pas la seule raison de la détermination qui semble habiter les élus dijonnais, Alain Millot et François Rebsamen les premiers, à conduire ce chantier au pas de charge.
La lutte fut âpre pour désigner quelle serait la ville élue pour représenter le repas gastronomique des Français entré au patrimoine mondial de l’Humanité. Au final, le gouvernement avait tranché… en quatre et partagé le gâteau promis entre Tours, Rungis, Lyon et Dijon. Ailleurs, si la machine semble quelque peu grippée depuis, Dijon fonce fourchette en tête. « Avec le changement de municipalité on parle de 2025 pour voir quelque chose à Tours, on avance 2024 pour Rungis« , commente François Deseille, l’élu Modem qui porte le dossier, « mais nous espérons sortir en 2018, avant Lyon ».
Ce lundi, une étape nouvelle vient en effet d’être franchie. La Ville de Dijon se prononce assez clairement en faveur de la proposition faite par Eiffage, délaissant celle dévoilée prématurément par le promoteur dijonnais Seger. Dans un contexte particulier aussi, car l’appel à projets, contrairement à l’appel d’offres classique, autorise en amont d’approfondir certains aspects avec les partenaires privés. « L’Unesco nous avait demandé un projet culturel fort adossé à un écoquartier et non pas l’inverse », rappelle François Deseille pour lever toute ambiguïté, « cela est d’autant plus déterminant que nous espérons être doublement labellisés par l’Unesco via les Climats ».
Le cahier des charges imposait aussi une compréhension du contexte territorial et des garanties de réponse face à un calendrier très serré. Eiffage a donc réuni autour de lui des prestataires spécialisés dans l’événementiel et le culturel (Culture espaces, Gl Events, Compagnie des Alpes…) pour donner du corps à la Cité elle-même qui, sur un budget global de 200 millions d’euros, ne représentera en réalité « que » 50 millions. Mais le carnet d’adresses du poids lourd Eiffage rassure. Il n’exclut pas pour autant les régionaux présents dans le projet concurrent car, dans la réalité, il faudra bien des prestataires pour réaliser les choses.
Surtout, il inclut un mode de gouvernance qui garantit aux élus (ainsi qu’à l’Unesco) une maîtrise de la stratégie opérationnelle. Pour sa part, le projet Seger a été jugé trop concentré sur sa partie immobilière, avec un programme de plus de 700 logements qui, selon François Deseille amenait le COS (Coefficient d’Occupation des Sols) a des niveaux inacceptables.
Le programme immobilier adossé à la Cité internationale de la Gastronomie est certes ce qui pèse le plus d’un point de vue financier. Mais il est une garantie de rentabilité, donc de faisabilité pour l’investisseur privé qui « débarrasse » l’acteur public (et le contribuable) de tout engagement direct tout en lui garantissant de mener à bien (et dans son esprit) la cité promise. Eiffage n’a semble-t-il pas lésiné et a approché tous les grands acteurs susceptibles d’intervenir dans l’opération, de l’Université au BIVB en passant par l’Union des Métiers de l’Industrie Hôtelière. « Après tout, ne sommes-nous pas au kilomètre zéro de la route des Grands Crus? », assène une fois encore l’élu Modem.
François Deseille – © photo : Clément Bonvalot
On nous annonce une vitesse de croisière d’un million de visiteurs (tout confondu) dont 150000 pour profiter à la seule partie commerciale et 500000 pour le cinéma. Cette Cité de la Gastronomie accueillera donc des conférences, de la recherche, des chefs et des formations. Il y aura une grande librairie spécialisée dans le vin et la gastronomie ainsi qu’une une trentaine de « corners » spécialisés dans les cuisines du monde.
On y espère un chef étoilé, plusieurs sont déjà sur le coup. Un pôle commerce de 3220 m2, une résidence touristique de 4000 m2 et un hôtel 4 étoiles (90 chambres) font également partie du projet. Un pavillon des vins de Bourgogne de 345 m2 côtoiera un pavillon des vins du monde (695 m2).
La Cité ira chercher le grand public dijonnais en « déplaçant l’offre cinématographique ». Ce qui suppose déjà de composer avec Sylive Du Parc, la propriétaire de l’Olympia, car des choix devront sans doute être faits : le projet inclut un cinéma multiplexe de dix salles.
Tout comme il faudra dépasser les réactions prévisibles face à la transformation de la chapelle de l’Hôpital qui accueillera la vinothèque des vins du monde. « La chapelle n’a pas à être désacralisée et on n’y vendra rien, il n’y aura pas de marchand du temple », devance, prudent, François Deseille.
Bref, maintenant que les choses semblent décidées, la véritable aventure de la Cité promise commence et devrait attirer ses nouveaux adeptes. On verra bien qui, au fur et à mesure des événements, la trouvera à son goût.