Lapierre a revu en profondeur l’organisation de ses ateliers dijonnais pour répondre à une demande croissante et aux aléas des approvisionnements. Dans le même temps, l’entreprise assume une politique de recrutement attractive. Le cycle vertueux est au bout de la route.
Ils ont des vélos dans la tête depuis 1946, du temps béni de Gaston le fondateur. Portés par une saga familiale exemplaire, bien calés dans la roue des forçats de la route, les Cycles Lapierre ont forgé leur renommée sur tous les terrains. Soixante-quinze ans plus tard, la marque dijonnaise traverse un moment bien particulier de son existence. Son propriétaire hollandais Accell a été racheté en cours d’année par le fonds d’investissement américain KKR. 1,5 milliard d’euros pour s’offrir le leader du cycle européen.
De quoi situer Dijon à l’échelle microscopique. Thierry Cornec a pourtant des raisons d’apprécier ce changement de braquet en hautes sphères : « Au lieu d’être soumis à la volatilité de la bourse, on fera partie d’un actionnariat privé qui va nous donner des capacités d’investissement plus importantes et durables », estimait le directeur des Cycles Lapierre face aux médias régionaux.
Étape 1 : on réorganise
Le contexte demande justement un plan d’investissement. De l’avis de tous les spécialistes, la crise sanitaire a fait gagner dix bonnes années sur le grand « Plan vélo » déployé par le gouvernement. Cela au prix d’un dérèglement sensible du marché, tiraillé entre la tension des matières premières et le besoin de stocks des revendeurs.
Au siège historique de Dijon, où se trouve le site de production, l’affaire concerne 120 emplois et 25% des quelque 130 000 vélos produits chaque année. Il faut jongler en permanence avec les approvisionnements, tout en ne rompant jamais le lien avec le site de Marsannay-la-Côte, où se trouvent le département R&D et le service après-vente, et le Lapierre Experience Center. « Au plus fort de la crise, nous avons déjà dû aligner des vélos incomplets, auxquels il ne manquait plus qu’un pédalier par exemple », confie Pascal Caré, responsable relations presse et coordinateur marketing, chargé de la visite guidée.
Lapierre s’adapte. Les ateliers ont été restructurés au bout d’un investissement total de l’ordre du million d’euros. Cette nouvelle méthodologie profite à la trentaine de techniciens sur place, en capacité d’assembler 80 à 120 vélos par jour selon la technicité. La fabrication complète d’un modèle de course ne demande plus que 25 minutes séquencées en une demi-douzaine d’opérations. Lapierre revendique un assemblage de A à Z, en commençant par les roues : « Les rayons sont montés un par un entre le moyeu et les jantes à la main, avant assemblage final à la machine. » Dans le même ordre d’idée, « passer une durite de frein dans un cadre de vélo est un acte sensoriel, aucune machine ne peut faire ça. »
Le siège, qui accueille notamment la partie administrative et marketing, ainsi que l’atelier de Dijon ont profité de travaux pour améliorer les conditions de production. © Edouard Barra
Étape 2 : on recrute !
La seconde rustine est humaine. « On recrute, et ce dans tous les secteurs, de la production au marketing en passant par la logistique. » Pour attirer les talents, Lapierre sort le grand jeu : salaires au-dessus de la moyenne, primes annuelles à la mobilité durable pour ceux qui viennent travailler en vélo, trottinette ou via les transports en commun, places réservées en crèche, bientôt une prime à l’installation pour les néo-Dijonnais… Cette grande politique d’attractivité a d’ailleurs fait l’objet d’un reportage de Capital sur M6 diffusé le 6 novembre.
Lapierre soigne aussi son ancrage local. En signant une convention avec l’École des Métiers Dijon Métropole, l’entreprise est devenue le premier soutien d’une nouvelle formation Mécanicien du cycle. Douze apprentis en alternance forment la première promo du CFA. « Ce sont nos futurs techniciens en puissance, formés localement sur du matériel Lapierre », se réjouit la firme dijonnaise, qui vivrait la venue du Tour de France à Dijon comme une forme de consécration. La municipalité a clairement exprimé son souhait d’être ville hôte à l’horizon 2024 ou 2025. La grande boucle serait alors bouclée.