Toujours en amont de la Fêtes des fromages qui aura lieu ce week-end à Nuits-Saint-Georges, Jacky Rigaux s’est intéressé, pour Bourgogne Magazine, à deux accords de notre région voisine la Franche-Comté: le comté et l’arbois jaune, le bleu de Gex et le vin de paille. On en salive déjà.
Par Jacky Rigaux, universitaire, consultant vins de Bourgogne Magazine
Commentaires retranscrits par Michel Giraud / Photos Jean-Luc Petit
« On atteint ici des sommets de gastronomie. »
Comté et Arbois jaune
« Le comté a acquis ses lettres de noblesse en 1952, avec l’AOC (AOP aujourd’hui), le premier fromage de France à y accéder, comme Arbois fut la première AOC en vin en 1936 ! Issu de laits pâturés sur une aire d’appellation sise essentiellement en Franche-Comté, on oublie souvent les 13 communes de Saône-et-Loire, ainsi que la commune de Haute-Savoie (Challonges) qui y ont également droit.
Les terroirs à pâturages soigneusement délimités sur cinq types de prairies offrent une palette aromatique très riche qui, de surcroît, s’exprime différemment selon les âges des meules. Seules les races montbéliarde et simmental française, ou leur métissage, sont autorisées. Fromage de lait cru de vache, à pâte pressée cuite, le comté se présente en meule oscillant de 55 à 75 kilogrammes. Il faut pas loin de 500 litres de lait pour produire une meule ! Après un long séjour en cave de préaffinage, l’affinage final se fait sur différentes périodes : 4 mois minimum, 18 à 24 mois, et parfois au-delà.
Dans sa prime jeunesse, le comté accueille nombre de vins blancs pour le servir et le transcender. Arrivé à la maturité idéale, autour de 24 mois, c’est le roi « vin jaune » (en Château-Chalon, Arbois ou Côte du Jura) qui lui sied à merveille. J’ai retenu celui de mon ami Jacques Puffeney, figure emblématique des grands vins du Jura : un arbois vin jaune 2007. Ce vin élancé, raffiné, de haute texture, à la persistance aromatique remarquable, se marie harmonieusement avec la chair moelleuse, parfumée, souple et ferme dans le même mouvement, du comté affiné 24 mois en la fruitière fromagère d’Arbois. On s’approche ici de la perfection de l’accord fromage et vin ! Bon mariage également avec le comté 18 mois de la fruitière de La Ferté. »
Bleu de Gex et vin de paille
Le bleu de Gex et le bleu de Septmoncel sont des fromages du Haut-Jura dont l’origine remonte au XIIIe siècle. On les doit aux moines de l’abbaye de Saint-Claude. Aujourd’hui, une cinquantaine de producteurs, en appui sur deux fruitières et deux fromageries artisanales, les proposent encore. Il existe aussi le bleu de La Marre, et le bleu de Gobet, fromage au lait entier, fabriqué artisanalement dans une ferme à côté de Saint-Claude, à la texture un peu plus crémeuse. Ils se présentent tous sous forme de meules de 7 à 8 kg. Ces « bleus » élaborés au lait cru, sont issus de lait de vache de races montbéliarde ou simmentale.
Ils sont faits de pâte persillée (fromage bleu), non passée et non cuite. On conseille souvent l’association des vins moelleux ou liquoreux avec ces fromages, et le célèbre vin de paille du Jura les sert à merveille, le millésime 2010 de la fruitière viticole d’Arbois, médaillé d’or à Paris en 2014, en particulier. Mais j’ai voulu associer au bleu de Gex de la fromagerie Les Moussières, l’extraordinaire arbois-pupillin, appelé affectueusement « vieux savagnin ouillé », par la maison Overnoy-Houillon, millésime 2004, élevé 8 ans en fût ! A fromage de caractère, vin de caractère. La pâte onctueuse du fromage, associée à l’étonnante texture du vin, génèrent une belle sensation de ressort matelassé en bouche. La longueur impressionnante du vin souligne toutes les nuances savoureuses de ce fromage d’altitude… On atteint ici des sommets de gastronomie ! Et après la dégustation, n’hésitez pas à feuilleter le beau livre de confidences de Pierre Overnoy (1), pape des vins du Jura et des vins nature.
(1) La parole de Pierre, à l’Athenaeum de la Vigne et du Vin à Beaune notamment.