Dijon célèbre la Cour Bareuzai, distinguée d’un prestigieux prix architectural. Tout près d’ici, elle traine un centre Dauphine figé, en attendant sa grande transfiguration promise pour 2021 avec un excitant rooftop… Entre les deux, une multitude de galeries commerçantes rythme la vie locale. Petit tour d’horizon.
Une foule dense s’égaie dans la luxueuse Cour Bareuzai, entre lèche-vitrine et détente. Une jolie passante immortalise son passage à grands coups de selfies devant la façade aux vitres dorées de la rue des Godrans. Deux gamins sautent à cloche-pied de soucoupe en soucoupe aux abords de la sculpture La Trace du temps de la plasticienne Nathalie Decoster. Au débouché de la place François Rude, le mur végétal ménage comme une pause bucolique dans le cheminement des piétons, le nez en l’air. Un an après son ouverture, et malgré deux confinements, la Cour Bareuzai s’est déjà imposée dans la vie dijonnaise. On y vient manger végétarien au Nid, déguster une bonne bière sur la terrasse du Delirium. Ou on passe, simplement, dans cette nouvelle treige (le nom bourguignon de la traboule lyonnaise) commerçante. On y vit un instant un peu hors de l’agitation des rues avoisinantes.
L’effet ne doit rien au hasard mais tout à une subtile alchimie, mûrement réfléchie par son concepteur, Marc Fortunato, important opérateur dans l’immobilier commercial, qui a coassuré la maîtrise d’œuvre du chantier. « L’idée, c’est de ralentir le flux piéton, en traitant les sols de manière qualitative, et d’interpeller la perception visuelle par un geste architectural fort qui donne envie de regarder, de prendre le temps et, si l’offre est belle, de consommer. Ce doit être un lieu de vie qui pourrait être aussi le lieu où l’on aimerait venir travailler… Commerce, travail et convivialité en cœur de ville », dévoile-t-il.
« Que ce soit instagramable »
L’impression de luxe et de modernité, associée à la beauté des hôtels particuliers englobés dans le projet (l’hôtel des Godrans édifié au XVe siècle et l’hôtel Filsjean de Mimande du début du XVIIIe siècle) participe à l’expérience, selon une scénographie imaginée par Nicolas Guyot, architecte et directeur du studio parisien du cabinet international Chapman Taylor. Celle-ci est unanimement saluée et a obtenu un prestigieux prix Versailles en 2020, dans la catégorie « Galeries marchandes / Extérieur ». « Il faut que ce soit instagramable, et c’est le cas. C’est fou le nombre de gens qui font des photos Cour Bareuzai », synthétise le promoteur. Et on mesure le chemin parcouru en matière de galerie commerçante depuis la saisissante description du passage Choiseul à Paris par Louis-Ferdinand Céline dans Mort à crédit (1936). « Il faut avouer que le Passage, c’est pas croyable comme croupissure. C’est fait pour qu’on crève, lentement mais à coup sûr, entre l’urine des petits clebs, la crotte, les glaviots, le gaz qui fuit. C’est plus infect qu’un dedans de prison. Sous le vitrail, en bas, le soleil arrive si moche qu’on l’éclipse avec une bougie. »
Toutes les galeries commerçantes dijonnaises ne sont pas aussi prestigieuses. Passage Darcy, Miroir, Galerie Bossuet gagneraient sans doute à un bon rafraîchissement. Pourtant, on y vit plutôt bien, aux dires des commerçants rencontrés, pour peu que les boutiques soient un peu spécialisées afin d’attirer une clientèle particulière, qui n’hésitera pas à se déplacer dans des passages qui ne sont plus tous très… passants. « Notre boutique de modélisme existe depuis 35 ans, nous avons donc une clientèle fidèle. Mais la galerie Bossuet a gagné en attractivité depuis l’installation de L’Échoppe magique, une boutique spécialisée dans les produits dérivés Harry Potter », note Patrick Quittat-Odelain, gérant de Maquettes 21 dans la galerie Bossuet.
Le vieillissant centre Dauphine, promis à un nouveau destin en 2021 © Jean-Luc Petit
Centre Dauphine, l’excitant projet rooftop à Dijon
L’éléphant dans la pièce, en matière de galerie commerçante, se situe à un jet de pierre de la galerie Bossuet. Le centre Dauphine, désert, toise de sa laideur architecturale le cœur historique de Dijon. Verrue urbaine, il va connaître un bouleversement en 2021, auquel il se prépare depuis plusieurs années. C’est encore Marc Fortunato qui assurera la maîtrise d’œuvre d’un chantier très attendu. Pour l’heure, l’homme fait profil bas, dans l’attente du permis de construire, et après l’obtention de l’accord de la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) pour une surface de vente de 3 994 m2. « Ce qui manque à Dauphine, c’est une façade, que l’on va créer. On va aussi faire un rooftop, pour avoir une verticalité qui s’inscrit dans un projet d’ensemble », se borne-t-il à décrire. L’endroit devra devenir un itinéraire alternatif à la rue de la Liberté, avec un flux de passant, on l’aura compris, ralenti. Le centre Dauphine disposera toujours d’une partie bureau, cette fois design et orienté coworking, tandis que l’entrée du parking sera partiellement recouverte. Pour le moment, très peu de Dijonnais ont pu voir les croquis du futur centre Dauphine, soigneusement tenus secrets. « J’ai participé à la CDAC du 3 novembre 2020, et c’est la première fois que je vote pour un projet sans même voir la proposition architecturale », note Denis Favier, le président de Shop in Dijon.