Après la version classique proposée par leur « prof », le chef étoilé Nicolas Isnard a montré à 4 élèves du lycée Le Castel de Dijon comment « dynamiter » sans la trahir une blanquette de veau. Chaud devant !
Par Dominique Bruillot – Photos : Jean-Luc Petit
La frénésie de la téléréalité chez les chefs entretient, chez les jeunes, le sentiment que devenir cuisinier c’est comme devenir pilote de chasse ou chanteur pop: on a le monde à ses genoux et la tête comme un melon.
Ben non les p’tits gars, la cuisine c’est l’art du partage et de l’humilité, du don de soi, du coup de feu et du stress. Ils sont ainsi nombreux, au lycée Le Castel comme ailleurs, à frapper à la porte de cet univers si idéalement présenté pour en sortir, au bout de quelques mois d’école seulement, face à l’épreuve de la réalité. Voilà pourquoi, à tout seigneur tout honneur, à l’initiative de la revue Bourgogne Magazine, nous commençons par la cuisine cette série de sujets sur les métiers de l’hôtellerie, concoctée selon un principe simple et transversal: mettre en scène un professionnel de renom avec un professeur de l’établissement et quelques élèves autour d’une problématique commune.
De la blanquette de mamie…
Pour la cuisine, la blanquette de veau s’est imposée comme une évidence. Déjà, parce que c’est un standard de la cuisine française, un cas d’école pourrait-on dire. Pour Rachel Mazoyer, « ce plat traditionnel, populaire et familial, est un bon socle pour appréhender les bases de la cuisine ». Des bases qui commencent par l’hygiène et la propreté, une méthode rigoureuse de travail et des techniques essentielles.
Sans elles, pas question de se laisser aller à la fantaisie et nos 4 élèves réunis pour la circonstance n’auraient aucune perspective dans leur parcours. Il y a là Louis, 19 ans, en première année de brevet professionnel; Chloé, 17 ans, en seconde pro, qui a trouvé sa voie en humant justement les plats de sa grand-mère; Hugo, 17 ans, démangé depuis tout petit par le virus de la cuisine, qui passera son bac pro en fin d’année et envisage faire carrière à l’étranger, au Canada pourquoi pas.
Et puis il y a un garçon plus âgé, Adrien, 27 ans, qui poursuit son apprentissage étape après étape, avec de solides ambitions. Après avoir décroché un BTS diététique, c’est à un BTS cuisine qu’il s’attaque, dans l’espoir de s’épanouir dans la branche du bien-être et de la santé. Sous la conduite de leur enseignante, les quatre mousquetaires des fourneaux s’activent en rythme, entre viande pochée, carottes et sauce bien liée. Bien dans la tradition, comme à la maison. Un vrai plat bourgeois dont on ne se lasse jamais, et dont le fumet semble éternel…
… à une inspiration de blanquette
Oui mais alors, que vient faire Nicolas Isnard dans cette galère? Le chef étoilé de l’Auberge de la Charme à Prenois, partenaire habituel du lycée Le Castel, apporte sa vision créative du plat historique, de manière à ouvrir les yeux des élèves sur une autre façon d’aborder la question. A condition, il faut insister sur ce point, que ceux-ci s’attèlent à maîtriser les bases que seul un enseignement digne de ce nom peut apporter.
Contrairement à ce que le mythe médiatique laisse planer dans certains esprits, on ne s’improvise pas chef du jour au lendemain. On est déjà, au départ, un cuisinier qui connaît son sujet. Une fois ce principe admis, l’affaire prend une autre dimension. « Contrairement au pâtissier, qui pèse tout au milligramme, le cuisinier aime le stress », prévient Nicolas Isnard, pour expliquer sa façon de travailler.
S’ensuit l’inéluctable « dynamitage » que va subir notre bonne vieille blanquette. « La Madeleine de Proust est là, les ingrédients de référence aussi », rassure Nicolas Isnard. Veau, champignons et oignons sont effectivement au rendez-vous. A la différence près que le premier subit trois niveaux de cuisson différents et que les morilles ont été préférées aux champignons de Paris. On a aussi échangé l’oignon blanc tout moulé dans son petit corps contre de l’oignon rouge ciselé en fines lamelles. Le riz pilaf, lui, est devenu une délicieuse mousse et une chips. La sauce, quant à elle, se passe de farine.
Revisité vous avez dit? Le dressage de l’assiette achève la transformation. Cette blanquette sortie de sa cocotte entre dans un univers quasi pictural, aérien, que les élèves du Castel s’étonnent eux-mêmes d’avoir composé. Quitte à prendre dans le même temps la mesure du chemin qu’il leur reste à parcourir entre la rigueur d’un métier et le show-biz qui s’en empare.
(1) Le lycée Le Castel à Dijon, c’est plus de 4 000 élèves dont un dixième ont signé pour les filières de l’école hôtelière dirigée par Fabrice Ricord.
Initiative réalisée dans le cades d’un partenariat entre le lycée dijonnais
et la revue Bourgogne Magazine