À la marge d’une 64e vente des vins des Hospices exceptionnelle à tout point de vue, DBM n°108 publie un dossier spécial sur Nuits-Saint-Georges, son hôpital, ses évolutions à venir et ses acteurs de l’art de vivre. À déguster comme un bon pinot noir…

L’édito de DBM n°108
Par Alexis Cappellaro
La greffe, une question de taille
Taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars. Le dicton est connu des vignerons. Il résume l’étape cruciale pour accompagner la plante hors de sa dormance hivernale. En Bourgogne, certains sortent le sécateur le plus tard possible, pour lutter contre les gels sournois qui condamnent les bourgeons. D’autres jouent les bandits.
Thiébault Huber l’a appris récemment en retrouvant, un beau matin, l’un de ses rangs mutilé. 36 pieds le cou coupé, déplore-t-il dans une vidéo largement relayée par la presse. « Dégoûté » de constater « où mène la bêtise humaine », le vigneron de Meursault est formel : c’est au président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne que l’on s’en est pris. Et son bourreau est du métier, il a du matériel de pro et a bien identifié le propriétaire de la parcelle.
Parler au nom de 4 500 vignerons ne fait jamais l’unanimité, cela se conçoit. La CAVB vient pourtant de remporter, avec d’autres forces syndicales, une grande victoire au Sénat : l’élévation du plafond jusqu’à 20 millions d’euros de l’exonération fiscale à 75 % pour la transmission du foncier viticole, dans une perspective de conservation sur 18 ans. De quoi changer la donne d’un modèle familial bourguignon en danger, même si des spécialistes s’interrogent déjà sur le destin de nos Climats en tant que niche fiscale. Autre sujet.
En retour, fort heureusement, Thiébault Huber a reçu le soutien de nombreux confrères et consœurs, interprofession comprise. Au-delà d’une sympathie notoire, tous louent la qualité de son engagement. En mai, le vigneron laissera la place après huit années de présidence, marquées par quelques combats (délimitation de l’AOC Bourgogne, autonomie des ODG dans le pilotage de leurs appellations, matériel végétal…) menés avec discernement, toujours dans l’intérêt commun.
Cette époque est parfois décourageante. Fils coupés, pieds salopés, raisins détruits ou volés… les « règlements de comptes à O.K. Vignoble » sont plus fréquents qu’on ne le pense. La reprise d’une parcelle convoitée ? Une récompense ou une belle cuverie jalousée ? Les prétextes ne manquent jamais aux justiciers de pacotille. Face à ce nouveau terrorisme de la pensée, Thiébault Huber était resté droit dans son rang : « Si vous n’êtes pas d’accord, venez me voir, on discute. » Une bouteille de Meursault à la mer ? Même pas. Rongé par les remords ou les proportions de l’affaire, le vandale est venu se dénoncer. Il devra assumer devant la justice la plainte dont il fait l’objet. Le courage lui serait-il revenu ? Question de taille. Voire de greffe, là où l’on pense…