De Gaulle avait stigmatisé l’ingérable France aux 365 fromages, Antoine de Caunes décrypte avec amusement l’improbable Gaule aux 13 grandes régions. Il vient de visiter la Bourgogne-Franche-Comté. À voir sur Canal+ le 12 décembre.
Par Dominique Bruillot
Didier L’embrouille et Gérard Languedepute en pèlerinage gaulois à Alésia. Ouin-Ouin alias « pine d’huître » et Raoul Bitembois dans les caves d’un domaine viticole tenu par un vigneron japonais à Gevrey-Chambertin. Richard Jouire et David Coperflou parmi les bûcherons de la Bourgogne-Franche-Comté. Le créatif et protéiforme Antoine de Caunes, indissociable de sa panoplie de personnages mythiques de la grande époque de Canal+, a donc planté sa Gaule sur nos terres.
La Gaule d’Antoine propose de revisiter la France avec un regard différent. Le 12 décembre prochain, sur Canal+ toujours, les « Burgondo-Comtois » (dieu que c’est dur à dire !) auront donc une belle idée ce que l’animateur-producteur-réalisateur-comédien-auteur de Canal+ a retenu de son séjour entre pinot et comté. Soit 16 jours de tournage pour un « docu » décalé d’une heure et demi, un puzzle de petits bouts de territoires insolites, de rencontres inattendues et d’expériences aussi jouissives que burlesques qui forment un tout à la sauce « decaunesque » d’Appellation d’Origine Protégée. De Gaulle avait convoqué l’ingérable France aux 365 fromages, De Caunes décrypte avec amusement l’improbable Gaule aux 13 grandes régions.
Le billet le plus simple
« Nous avions envie de sortir à nouveau des studios, de voir sur le terrain à quoi ressemble ce découpage pas toujours très clair, à la fois bureaucratique et un peu con », s’amuse Antoine de Caunes, qui a malgré tout trouvé dans cette refonte controversée de la France, de quoi bâtir son projet : « Il fallait bien avoir une méthode, et pour visiter un pays entier, c’était encore le billet le plus simple. » Peu importe, le concept de l’émission autorise en effet de se jouer des inepties administratives. « Hauts de France, tout le monde déteste ce nom », poursuit l’« Hexagone-trotter », tout en rappelant que La Gaule d’Antoine « ne présente aucun caractère autobiographique et qu’elle n’est qu’un panachage entre des choses légères et d’autres plus signifiantes ». Pas la peine, donc, d’en faire une thèse sur l’avenir des territoires et la lutte fraticide entre les tribus.
Ceci dit, la Bourgogne-Franche-Comté est l’une des régions parmi les plus cohérentes de la nouvelle cartographie du pays. Une facilité pour Antoine et sa Gaule, frustré de n’avoir que survolé la Nouvelle Aquitaine et la Bretagne par exemple. « La plupart du temps, il aurait fallu réaliser 2 ou 3 épisodes de plus ».
Esprit Jackass
La Gaule d’Antoine boucle sa première saison avec 5 régions en magasin, selon un rythme de diffusion d’une émission toutes les six semaines. Elle occupe l’espace-temps du boulimique de Caunes qui, entre ses obligations à France Inter et ailleurs, a conservé son esprit Jackass. Avec une certaine prudence toutefois, celle que lui imposent ses 65 printemps : « Je n’ai jamais eu de plan de carrière, j’aime toujours autant me frotter à des expériences inédites mais il faut quand même faire gaffe, cela peut faire des dégâts au col du fémur. » La recette réside dans « une vie assez saine, savoir apprécier les bonnes choses sans en abuser, pas comme d’autres, pas comme un certain José Garcia ! ». Sympas, les copains.
Le tempérament potache qui lui colle à la Gaule, Antoine ne s’en inquiète pas : « Mon entourage s’en formalise et j’ai même l’impression de régresser. Après tout, ça n’est pas si mal, le monde est tellement sérieux, trop sérieux… » Pas faux.
Sortir des marronniers
Pour mener à bien sa mission, Antoine envoie ses journalistes en repérage. Ces dénicheurs de sujets lui rapportent ensuite leurs suggestions. C’est le principe même de La Gaule d’Antoine qui va là où les autres ne vont pas, et tient à sortir du répertoire classique des marronniers régionalistes.
Du coup, tout est permis. Avec en prime « le bénéfice d’un incroyable été indien », qui a béni les sorties de l’animateur. Parmi celles-ci, il se souviendra de ce samedi 3 novembre au MuséoParc Alésia, conquis par « les vertus communicatives de son directeur Michel Rouger », où il s’est offert une caricaturale moustache gauloise. Il se souviendra de ce « joyeux vigneron japonais de Gevrey-Chambertin (ndlr, Koji Nakada, fondateur de la maison Lou Dumont), que tout le monde a vu arriver en rigolant il y a 20 ans en Bourgogne et qui, avec méthode et acharnement, produit des vins exceptionnels ». Il se souviendra longtemps de son intronisation parmi les maîtres pipiers de Saint-Claude, ou de cette Côte-d’Orienne « rigolote et allumée » qui peint des tableaux avec des poils de chien. Ou encore de cet hommage rendu au Cirque Plume, « l’institution bisontine » qui tire sa révérence après 30 années de rêves et de poésie acrobatiques.
Bienveillance et respect
De Caunes ne s’inquiète pas de ce que Jean-Pierre Pernaut ou Stéphane Bern pensent de sa vision de la Gaule, il veut « échapper aux standards, aller au-devant de gens tout sauf institutionnels, donner une impression subjective de la région qu’on traverse, un aperçu de ce morceau de pays ». Cette énergie déployée au service d’un regard différent, il la tient d’un « moteur essentiel, la curiosité, de ce goût de défricher et ne pas mettre les pieds dans les empreintes des autres, avec bienveillance ».
Le papa des Enfants du rock assure aimer les gens et ne surtout « pas vouloir en faire de la chair à téléréalité ». Pour autant, regrette-t-il l’insouciance des années 80 ? Est-il nostalgique de l’ère coluchienne et des Nuls ou tout semblait permis ? « Je ne suis pas de l’avis des gens qui pensent qu’on n’a plus rien à dire ; des humoristes comme Blanche Gardin poussent le bouchon plus loin, surtout dans une époque où l’on s’offense pour un rien », rétorque Antoine. Cela, il a eu sans doute l’occasion de se le rappeler entre deux reportages en Bourgogne, le 6 novembre, lors des obsèques de son père spirituel Philippe Gildas (où il a une nouvelle fois joué un mauvais tour à son compère José Garcia). « Avec lui, ce fut sept années de bonheur, une parenthèse enchantée dans mon existence, c’était un type exquis aussi bien dans le privé qu’en plateau. » Une preuve de plus que l’irrévérence, quand elle est spirituelle, n’est pas l’ennemie du respect.