Yan Pei-Ming, Bertrand Lavier, Annette Messager et d’autres lui doivent beaucoup. Xavier Douroux était l’incarnation de l’art contemporain en Bourgogne et bien au-délà. Il est décédé ce jeudi, au petit matin, des suites d’une longue maladie. Hommage.
Par Arnaud Morel
Photo : Jean-Luc Petit
Xavier Douroux, une figure de l’art contemporain, vient de décéder jeudi 29 juin au petit matin, d’une longue maladie qu’il combattait depuis deux ans avec le courage et l’opiniâtreté qui caractérisait l’homme. Xavier Douroux demeurera comme le cofondateur du centre d’art le Consortium, installé rue de Longvic à Dijon, mais également le fondateur des Presses du réel, une maison d’édition spécialisée dans la réalisation d’ouvrages sur l’art contemporain.
Né en 1956 à Dole, dans le Jura, Xavier Douroux se passionne pour l’art, sous toutes ses formes, qu’il rêve alors de rendre accessible à tous, y compris aux ouvriers. En 1977 il fonde, avec Franck Gautherot et Eric Colliard, l’association Le Coin du Miroir qui ouvre le Consortium, initialement situé dans les locaux des anciens Bains du Nord, rue Quentin, à Dijon. Dans ce centre très avant-gardiste vont défiler les futures pointures du monde de l’art, dénichées par le formidable découvreur qu’était Xavier Douroux. La liste est longue, mais certains noms émergent, avec lesquels il entretiendra des relations privilégiées : Bertrand Lavier, Annette Messager, Claude Rutault ou bien sûr Yan Pei-Ming, l’immense portraitiste qui demeure à Dijon et ne perd pas une occasion de préciser qu’il y reste du fait de la présence de l’équipe du Consortium. « C’est une immense perte », nous confie-t-il.
Il aimait Dijon
Toujours très en pointe dans le monde de l’art contemporain, Xavier Douroux n’en perdait pas pour autant un sens critique acéré. « L’art contemporain est devenu une espèce de scène dans laquelle il faut être », constatait-il lors d’une interview réalisée en 2013. Lui préférait nourrir sa « passion égalitaire » et se garder « des signes extérieurs de richesse, qui ne sont pas dans notre philosophie ». Pourtant, l’homme était partout réclamé pour ses talents de médiateurs, et avait été amené à travailler, notamment, sur des projets à Doha, au Quatar, ou à Londres.
L’ouverture, en juin 2011, du nouveau Consortium dans les anciens locaux d’une usine, totalement sublimée par les architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines, marque un événement essentiel de l’ancrage dijonnais de Xavier Douroux qui confessait alors « avoir des preuves à donner à la ville et se ressentir complètement comme un acteur local ». Xavier Douroux aimait Dijon, « une ville qui ne met aucune pression et n’a jamais tenté de nous instrumentaliser ». C’est sous son égide que la mairie a placé certaines œuvres, parfois contestées, dans les rues de la ville, rue de la Liberté – Le Jardin de poche de Didier Marcel et Semper virens de Goria Friedmann – ou au sein du quartier Junot.
Dépasser le cadre
Ces dernières années, Xavier Douroux participait au programme des Nouveaux Commanditaires, conduit par la Fondation de France, qui essaye de démocratiser l’accès à la culture en favorisant la rencontre des artistes et des citoyens. Toujours cette envie de dépasser le cadre trop restreint des milieux de l’art, des bonnes gens. L’homme cherchait aussi à mettre de l’art à la campagne. « La ruralité est une nouvelle frontière pour l’art et nous essayons de la conquérir », nous expliquait-il avec une lueur dans les yeux, signe d’un défi qui le stimulait. Ses équipes installeront de nombreuses pièces dans les lavoirs de Bourgogne. Xavier Douroux cherchait aussi à faire partager sa passion avec les étudiants et officiait à l’Université de Bourgogne pour des cours d’initiation à l’art contemporain.
Ce soir, le monde de l’art, la ville de Dijon et de nombreux admirateurs se sentent sans doute bien orphelins.