Denis Toner, l’Américain qui ouvre les portes de Beaune et son vignoble

Tous les Américains fans de Bourgogne le connaissent. Infatigable promoteur de Beaune et sa région, papa du Nantucket Wine & Food Festival, Denis Toner sort les souvenirs de la cave. Avec ce qu’il faut pour arroser ça… Cheers !

À Beaune, Denis Toner sort de son « cellar » quelques flacons pour accompagner la discussion. © Michel Joly

Un chablis grand cru Bougros 2016, domaine Dublère, attend son heure sur une table massive. Cette dive bouteille est signée Blair Pethel, passé avec talent de journaliste à vigneron. Las, le gars de Washington a vendu son domaine de Savigny-lès-Beaune en 2019. Les quelques gouttes minérales de ce chardonnay ravivent le souvenir d’un rêve américain. Notre hôte du jour, qui s’empresse d’en faire chanter le bouchon, connait l’histoire par cœur. Bienvenue chez Denis Toner. Ce jour-là, avec deux amis, born in the USA et installés en Pays beaunois eux aussi, il a improvisé un petit apéritif pour causer campagne présidentielle entre autres choses. Les discussions vont bon train. Jusqu’à ce que le second flacon débarque comme par enchantement : un magnum de rully 1er cru La Pucelle de chez Jacqueson. N’en jetez plus. Pas besoin de savoir lire dans le marc de Bourgogne pour comprendre que le vin, chez Denis, est un fil conducteur.

« Denis, c’est un magicien »

Denis Toner, millésime 44, vient de Brookline, une banlieue chic de Boston connue pour être le fief des Kennedy. Sa carrière, il l’a débutée comme sommelier, avant de devenir rédacteur pour le Boston Magazine et producteur de télévision. La passion du vin ne l’a jamais quitté. « Cette vie de vin devait forcément m’amener un jour en Bourgogne. J’y suis venu pour la première fois dans les années 80. J’ai été captivé par l’ambiance, l’architecture, les remparts, l’histoire d’une manière générale », se souvient, dans un franglais assumé, celui qui a toujours cultivé une sensibilité européenne. La retraite venue, Denis s’installe à Beaune. « Nous sommes en 2003, avec mon épouse Susan, nous achetons une maison dans une propriété que venait d’acquérir un ami américain, Alex Gambal. » 

À deux pas du boulevard, dans la cour de belles maisons de négoce, la vie est belle. Sur place, dans son style généreux et spontané, Denis fait le lien entre les deux continents. Son camarade de table Eric, installé à Nolay, est formel : « Denis, c’est un magicien. Il nous ouvre des portes que nous n’aurions jamais pensé ouvrir ! Chez lui, vous croiserez toute l’année des Américains, des amateurs de vin, des artistes. Il appelle ça la charité. » Pas étonnant, mister Toner a fondé entretemps le très chic festival de Nantucket. La municipalité beaunoise a même été convaincue d’un jumelage avec cette « jolie île, à une centaine de kilomètres au sud de Boston, qui accueille généralement des touristes aisés, amateurs de bonnes choses. Avec quelques amis, en 1997, j’y ai créé cee festival dédié au vin et à la gastronomie, qui accueille chaque année des sommeliers, des vignerons, des chefs cuisiniers du monde entier. »

La proposition cartonne. 3000 personnes viennent chaque printemps rendre visite à la Grey Lady (surnom de l’île). La 24e édition aura lieu fin mai, et le visiteur aura par exemple la joie de participer à un dîner façon paulée (« La Fête) ou de déguster quelques East Coast oysters avec un chablis du domaine Christian Moreau. Yummy !

Hospices de Beaune, jazz et cuisine

Denis sera de l’événement, dont il a toutefois cessé de s’occuper en 2013. Un autre voyage est prévu, à Noël, pour voir les petits-enfants. Avant cela, il y aura la vente des vins des Hospices de Beaune. Chaque mois de novembre, Denis prend son bâton de pèlerin pour guider ses compatriotes dans les sous-sols beaunois ou leur mettre le nez dans les ceps. Il lui arrive même d’agiter le paddle pour eux lors des enchères. Il y a quelques années, le violoncelliste Yo-Yo Ma cherchait où dormir après un concert au château du Clos de Vougeot. Denis était là, en hôte bienveillant.

Ce fan de jazz, son autre passion, en laisse toujours un petit fond dans la cuisine. « Je me souviens de ma première rencontre avec le regretté Jean-Jacques Hegner, papa du festival Jazz à Beaune. Il fallait voir l’ambiance dans l’arrière-salle de son Bistrot bourguignon… Vous vous rendez compte qu’il a fait venir Ravi Coltrane ici ? » La discussion s’étire, poétique. « Je vis ma vie de rêve ici. Au cœur de l’automne, ce brouillard qui descend de la montagne, vous êtes place Carnot, avec le seul bruit de verres qui cliquent… C’est ça la vraie Bourgogne ! » Et si vous demandez à ce chevalier de la confrérie du Tastevin, quel est son endroit préféré dans la capitale des vins de Bourgogne, la réponse jaillit, implacable : « La table de ma cuisine ! »


Rubrique en partenariat avec Wall Street English,
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Tous les épisodes « Wall Street English »
🇺🇸 # 12 Denis Toner, Beaune in the USA
🇬🇧 #11 Paul Day, sculpteur bourguignon d’adoption
🇺🇸 #10 Tobias Yang, directeur du Château de Chailly
🇺🇸 #9 Becky Wasserman, adieu à une grande dame du vin
🇦🇺 #8 Jane Eyre, ex-coiffeuse devenue Négociante de l’année 2021
🇺🇸 #7 Brittany Black, créatrice d’une librairie anglophone
🇬🇧 #6 Christopher Wooldridge, le docteur vélo et mister bike de Dijon
🇺🇸 #5 Alex Miles, personnage multicasquette et fin gourmet
🇬🇧 #4 Deborah Arnold, Dijon et sa cité des dukes
🇬🇧 #3 Jasper Morris, pape des dégustateurs en Bourgogne
🇦🇺 #2 Kevin Pearsh et ses totems de Commarin
🇬🇧 #1 Clive et Tanith Cummings, protecteurs de l’abbaye de La Bussière