La saga vigneronne des Delaunay s’étend des Hautes-Côtes de Nuits au Languedoc. Avec l’intégration officielle de Jeanne, cinquième génération, c’est une passionnante verticale familiale qui se met en place sous la toute nouvelle appellation « Delaunay Vins & Domaines ». On the road again !
1893. Édouard Delaunay plante le cep généalogique à Nuits-Saint-Georges et pose les bases d’une florissante activité de négoce. 2023 : son arrière-arrière-petite-fille Jeanne intègre un groupe familial devenu multifacettes, déployé entre Bourgogne et Languedoc. Le vin, comment le nier, est ici une affaire de génétique.
Laurent et Catherine Delaunay sont eux-mêmes tombés dans la cuve étant petits. Lui a grandi dans la spiritualité du pays de Vergy et le métier de négociant-éleveur, elle dans le domaine familial du Beaujolais, au pays du gamay. Avec patience et méthode, le couple d’œnologues-entrepreneurs consolidera progressivement le groupe Badet Clément, 80 collaborateurs et un siège social toujours à Nuits, autour de plusieurs piliers : une marque « success story » de vins de cépages du Pays d’Oc (Les Jamelles), des signatures haut de gamme du Languedoc (Abbotts & Delaunay) et DVP, une entreprise spécialisée dans la commercialisation des vins.
Badet Clément devient Delaunay Vins & Domaines
De retour sur ses terres, Laurent saisira l’opportunité de réveiller la marque Édouard Delaunay en 2017, avec une vision extrêmement claire de ce que doit être un négoce bourguignon haute couture. Lui et ses équipes n’auront mis qu’une poignée de millésimes pour relancer une impressionnante dynamique. La maison de L’Étang-Vergy, dans les Hautes-Côtes de Nuits, prend désormais soin d’un chapelet d’une trentaine d’appellations, des régionales aux grands crus. L’aventure est bel et bien lancée.
L’arrivée de Jeanne suit donc une forme de logique. Millésime 98, arrivée à maturité comme une belle grappe de pinot noir, elle était un peu la pièce maitresse qui manquait au puzzle entrepreneurial. Au-delà du bonheur simple de travailler avec leur enfant, Laurent et Catherine y voient l’occasion « de repositionner notre activité, qui pouvait paraitre disparate, dans une vraie logique d’entreprise familiale ». Adieu, donc, le groupe Badet Clément. « Delaunay Vins & Domaines » signe l’acte fondateur d’une marque ombrelle et d’ambitions nouvelles.
Le sud comme alter ego
Jeanne supervisera dans un premier temps l’activité méridionale du groupe. La jeune femme a beau être bien née, elle tire de son vécu une légitimité évidente, avec une formation entre une école de commerce qui lui a fait découvrir Lille (« il y a des vignes sur les terrils du Pas-de-Calais ! ») et Macao, complétée par un BTS viti-œno à Beaune.
Elle a vu la Sonoma Valley chez Francis Ford Coppola, Tahiti grâce à l’aventure Les Jamelles, l’Australie pour des vinifs en avril dernier… Ou comment plonger avec gourmandise dans le Nouveau Monde pour mieux comprendre les préceptes des anciens. En témoignent son apprentissage mené plus près de nous, chez Thibault Liger-Belair, et quelques mois passés au sein d’un beau petit domaine de Vosne-Romanée (initiales DRC). Jeanne est à l’image de sa génération, une sorte de mouton à cinq pattes s’intéressant à tout, des vinifications au positionnement marketing en passant par l’art de la communication.
Dans le sud, elle aura sous sa responsabilité une équipe d’une douzaine de personnes pour 35 hectares de vignes réparties entre deux domaines (Métairie d’Alon à Limoux, domaine de La Lause à Monze) et une quinzaine de cépages. « S’il existe bien sûr des particularismes, les paysages sont sensiblement les mêmes que dans les Hautes-Côtes. Même à 600 km, on a la sensation d’être chez nous », note Catherine, en fine observatrice de ce qui constitue « un poste avancé pour étudier l’évolution du pinot noir dans un contexte de changement climatique ».
À ce titre, « le contrôle des maturités est une affaire de précision, on a vite fait de prendre un ou deux degrés en 48h dans le Languedoc », observe Jeanne, qui s’est construit une très large palette de dégustatrice au fil de cette double culture. Elle dit aimer l’épice frais d’une syrah « La Bretonne » issue d’une sélection parcellaire dans les Corbières, aussi bien que la volupté du Pommard 1er cru « Les Chaponnieres », son climat bourguignon fétiche.
Les voyages de Jeanne
Abbotts & Delaunay est donc destinée à devenir plus que jamais « un alter ego de la Bourgogne, avec une approche parcellaire très soignée ». « En Bourgogne, c’est une chance, les choses sont assez établies ; Abbotts et le Languedoc, c’est un peu comme un vélo : si on arrête de pédaler, on tombe », image Laurent. Sa jeune cycliste pourra compter sur une équipe fidèle et bien en place, avec notamment le chef de culture bourguignon Thomas Trapet (patronyme connu par chez nous).
D’un vignoble à l’autre, la marque de fabrique des Delaunay semble donc se situer entre l’éloge du temps long, à l’image de cette vénérable Citroën B2 retapée en hommage au grand-père, et le goût du mouvement. En ce moment, la dernière recrue ne manque pas d’occupation. Elle sort tout juste la tête d’une campagne de deux vendanges, le « marathon du sud » (mi-août jusqu’à octobre en général) incluant le « sprint bourguignon » de septembre. Sans compter le nécessaire job de représentation pour le compte de la nouvelle entité Delaunay Vins & Domaines, avec des déplacements programmés en Suède et aux Pays-Bas en fin d’année. Tant de choses sont encore à découvrir. Heureuse qui, comme Jeanne, va donc faire de beaux voyages. D’où il est, 130 ans après, l’aïeul Edouard ne doit pas perdre une goutte de cette aventure naissante.