Voir Dijon à travers les yeux de Maurice Clément c’est profiter de l’incroyable passion d’un Wallon pour sa ville d’adoption. Dans le cas présent, touristes et riverains curieux peuvent le dire: « My greeter is Belge ».
Par Nadège Hubert
Photo : Clément Bonvalot
A peine arrivé que Maurice Clément entre dans le vif du sujet: « Savez-vous où nous sommes ici et à qui cette place fait référence? » Voilà plus de 30 ans que ce Belge a rejoint la cité des Ducs pour son travail, mais depuis qu’il est à la retraite, notre greeter s’est plongé dans les livres pour percer les mystères de la ville.
« J’ai commencé par faire de la reliure et, un jour, j’ai commencé à lire les livres sur lesquels j’intervenais. » Maurice sélectionne ses lectures, il faut qu’elles portent sur Dijon ou sur les ducs de Bourgogne. Dans les nombreux ouvrages ainsi consultés, il découvre des informations, des anecdotes, des ruelles qu’il part ensuite chercher dans le centre-ville historique.
Croisant le parcours de la Chouette et n’hésitant pas à s’arrêter sur les mêmes points d’intérêt, une balade commentée par Maurice prend vite des allures de jeux de piste : « Je vais vous montrer la cour d’un hôtel particulier qui ressemble à un labyrinthe… » De ruelles en cours secrètes, Maurice entraîne ses visiteurs dans des endroits méconnus, poussant une porte dérobée ou traversant la boutique d’un commerçant pour découvrir des merveilles insoupçonnées. « Victor Hugo, le peintre Boulanger et l’écrivain Charles-Augustin Sainte-Beuve sont venus ici, comme l’indique cette plaque avec un texte de Sainte-Beuve. J’ai découvert ce lieu dans mes lectures, puis je suis venu voir sur le terrain ce qu’il en était vraiment. Je suis comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois. »
En passant devant la tour Philippe le Bon, Maurice fait un aparté sur cette marque dans le mur que l’on voit depuis la rue des Forges, comme si personne n’avait eu le courage d’aller l’effacer: « Cette trace historique doit être conservée, car c’est l’impact d’un boulet de canon tiré du château royal, jadis situé place Grangier, afin de réprimer une révolte. »
La balade continue place Bossuet, où on retrouve le parcours de la Chouette, sans pourtant s’arrêter aux mêmes endroits. Quel que soit le parcours, on reste suspendu aux lèvres de notre guide d’un jour, qui enchaîne sur la maison de Bossuet et sur la qualité de la coutellerie à l’ancienne qui occupe encore les lieux. Du XVème au XVIIIème siècles, Maurice promène ses visiteurs à travers les siècles, avec un sens aigu de la transmission et une délectation non dissimulée. Jamais avare d’une anecdote qui fait mouche, il sait aussi se montrer taquin avec sa ville d’adoption lorsqu’un toit vernissé se présente: « Vous dites qu’il s’agit de toits bourguignons, mais en fait ils sont flamands, vous les avez juste importés de Belgique! »
Peste et jeu de paume
Amoureux de l’architecture, des monuments historiques, notre greeter n’hésite pas à répondre aux interrogations des touristes qu’il croise: « Autrefois, il y avait un jeu de paume à la place de la librairie Grangier… La rue Liegeard était envahie par la peste à cause des bouchers de la rue du Bourg… Peu de gens s’arrêtent devant les cariatides de la rue de la Chaudronnerie… » Maurice a toujours en tête le détail qui fait la différence et l’histoire qui va avec. « Il faut visiter Dijon le nez en l’air! », insiste celui qui pourra aussi vous faire découvrir le puits de Moïse –son coup de cœur, sa spécialit – si vous lui demandez. « La Chartreuse fait le lien avec la ville mais il n’en reste que les tombeaux des ducs et le puits de Moïse. On dirait que cette sculpture bouge, il y a du mouvement. » Intarissable on vous dit !
Après plusieurs heures de promenade dans le centre de la ville que vous redécouvrirez, c’est autour d’un verre que Maurice continuera à vous raconter les histoires de sa ville d’adoption. « Il y a toujours d’autres choses à découvrir. » Toutefois, méfiez-vous, il ne serait pas surprenant qu’à la fin de la journée vous vous preniez au jeu et soyez aux aguets, attendant qu’une porte close ne finisse par s’ouvrir pour aller voir les surprises qui se cachent derrière.
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La maison sans toit
La prochaine fois que vous passerez par la place Bossuet, prenez le temps de chercher la maison sans toit, que l’on repère assez aisément si on lève le nez. Cette demeure abritait autrefois une boucherie-charcuterie qui ne manquait pas de clientèle. Pourtant, quelle ne fut pas la surprise de l’un des clients de trouver dans son pâté d’étranges petits os. Faisant le rapprochement avec les nombreuses disparitions d’enfants dans le quartier, on ne manqua pas d’arrêter le boucher qui concevait ses produits avec une recette bien à lui… Pour oublier ce triste épisode, on brûla une partie de la maison, dont le toit, et on en mura les ouvertures avant que le lieu ne redevienne un commerce bien plus tard.
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