Mercredi 19 mai, chemin de la Charmette à Dijon, François Rebsamen, Christophe Rougeot et les autres porteurs du projet inauguraient ce qui deviendra une station de production d’hydrogène décarboné. Dès 2022, des bennes à ordures de la Métropole en profiteront directement. Cette première étape installe Dijon comme une référence européenne en la matière.
Ce 19 mai, à Dijon, la tignasse de Christophe Rougeot indiquait le sens des rafales, comme un manche à air en folie. Il faisait un vent à investir dans l’énergie éolienne. Dans le repli d’une grande tente de réception, l’heure était en réalité à l’hydrogène et « au début d’un chantier qui va marquer la souveraineté énergétique de notre territoire », dixit François Rebsamen, venu inaugurer cet ambitieux projet public-privé.
Comptant parmi les onze lauréats de l’appel à projets national « Écosystèmes et mobilité hydrogène » lancé par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la métropole dijonnaise entame la construction d’une première station à hydrogène, au nord de Dijon. L’Ademe cofinancera l’installation de l’infrastructure à hauteur de 10,6 millions au total, suivie par la Région (2,6 M€) et l’Europe (2 M€). La création de cette première unité est portée par Dijon Métropole et l’entreprise Rougeot Énergie dans le cadre d’une SAS (société par actions simplifiée) baptisée Dijon Métropole Smart Energhy (DMSE), rejoints par l’énergéticien Storengy, filiale d’Engie. Le projet sera accompagné par Keolis, délégataire pour les transports publics du territoire.
Zéro bruit, zéro particule
« Après avoir déjà fait rouler nos bennes et nos bus au gaz naturel, puis avec des systèmes hybrides, nous nous sommes posé la question de savoir quelle était la meilleure motorisation possible, à la fois en termes d’impact sur l’environnement et d’adaptation à l’usage. Par rapport à un véhicule électrique à batteries classique, les véhicules à hydrogène ont une plus grande charge utile, une meilleure autonomie et un temps de ravitaillement très court. De plus, ils ne rejettent que de l’eau, et génèrent zéro bruit, zéro gaz à effet de serre et zéro particule. », rappelait au magazine Dijon Capitale Jean-Patrick Masson, en charge de la transition écologique à Dijon Métropole.
À Dijon, on pense alors à une source d’énergie locale, celle des déchets ménagers non recyclables. Depuis douze ans, l’unité de valorisation énergétique du chemin de la Charmette en incinère jusqu’à 18 tonnes par heure, pour en faire de l’électricité grâce à un turbo-alternateur. Le contrat de revente de cette électricité à EDF se termine, offrant au projet hydrogène une source d’énergie de récupération toute trouvée. À terme, la future centrale photovoltaïque de Valmy apportera en complément sa part d’électricité verte au projet.
Deux stations nord-sud à partir de 2023
Concrètement, la métropole comptera deux stations hydrogène. La première sur le lieu d’inauguration, à proximité de l’usine d’incinération des ordures ménagères, devrait être mise en service début 2022. Sa production s’appuiera essentiellement sur l’unité de valorisation énergétique qui traite les déchets ménagers de 88% de la population de la Côte-d’Or. La seconde station, au sud de Dijon, sera mise en service un an après, pour alimenter en hydrogène les bus de la métropole. Elle sera alimentée grâce aux énergies renouvelables du territoire.
Dès 2022, huit bennes à ordures de la Métropole fonctionneront avec de l’hydrogène produit grâce à l’électricité fournie par l’usine d’incinération des déchets. La plus grande flotte de bus de France, au nombre de 27, sera opérationnelle en 2023. Beaucoup d’autres suivront. « Un levier majeur pour décarbonner les transports, tout en gardant à l’esprit que l’hydrogène représente pour l’instant 2% des énergies et que 4% de celui-ci est considéré comme décarboné, c’est-à-dire n’étant pas produit à partir d’énergies fossiles », a notamment redit François Rebsamen, conscient que le chemin des découvreurs incite à l’humilité.
L’hydrogène et Dijon Métropole, au début d’une histoire
Christophe Rougeot lui a emboité le pas, dans son style bien à lui, confirmant que nous n’étions « qu’au début de l’histoire, dans une filière naissante qui ne concerne qu’une cinquantaine d’acteurs. Personne n’entendait parler d’hydrogène il y a trois ans ». L’entrepreneur murisaltien, très engagé dans cette nouvelle aventure, a pris soin de louer les qualités de son environnement, « dans une ville qui a toujours été raisonnée et raisonnable, mais avec un degré de créativité et un certain sens de l’innovation qui permettent ce genre d’action structurante ». L’innovation est donc là, à portée de cerveaux, et « le partage des intuitions crée les plus belles actions publiques », dixit Michel Neugnot, venu représenter la Région BFC avec Jean-Claude Lagrange. Pour ce dernier, pas de doute, « tous les ingrédients sont là pour favoriser la recherche et le développement. On ne peut pas s’arrêter en si bon chemin ».
Cela tombe bien, personne ne compte buter sur la première pierre. Du côté de Chenôve, un bâtiment prototype fonctionnant à base d’hydrogène est à l’étude, en partenariat avec la Caisse des Dépôts et Consignations. La mobilité n’est donc pas le seul champ d’exploration énergétique. En toute circonstance, ce genre de projet innovant viendra de l’intérieur. « Les grands groupes ont créé la feuille de route, ce qui est une très bonne chose, mais il faut aussi laisser s’exprimer les PME locales, les start-ups, pour créer un laboratoire de notre territoire », abonde Christophe Rougeot, convaincu des bienfaits sociaux d’une telle démarche. « Ce chantier mobilisera de jeunes ingénieurs, dans une entreprise au service de la collectivité, qui évite la fuite des compétences. La bataille du climat, on va la gagner par notre engagement sur place, au plus près des problématiques. Ça ne viendra pas de Paris ! » Le message est passé. Puisse-t-il être porté par des vents favorables.