Disparition d’Hubert Aynard : Fontenay et la Bourgogne en deuil  

Hubert Aynard, propriétaire de l’abbaye de Fontenay, est mort ce jeudi 4 janvier à l’aube de ses 100 ans. Un bienfaiteur discret de la Bourgogne s’en va.

Merveille cistercienne de la Bourgogne, Fontenay appartient à la famille Aynard depuis 1906. © Anne-Gaëlle Laborde-Ceyrac – Histoires de patrimoine / BFC Tourisme

Il aura passé sa vie à entretenir un lieu magique de la Bourgogne, en bon « dépositaire passager et respectueux » selon le principe familial. Hubert Aynard s’est éteint chez lui, à Fontenay, dans la soirée du jeudi 4 janvier, à l’âge de 99 ans.

Fondée en 1118 par saint Bernard, l’abbaye située près de Montbard est l’un des plus anciens monastères cisterciens de France. Ce haut-lieu spirituel suit le fil d’une saga à la fois mondiale (classement à l’Unesco en 1981) et intime. L’abbaye est en effet dans la même famille depuis le début du XIXe siècle, l’arrière-grand-père Edouard Aynard ayant racheté en 1906 ce qui fut une importante papeterie tenue par sa belle-famille Montgolfier.

Réchappé de la tuberculose

Né à Lyon le 17 mars 1924, réchappé miraculeux d’une tuberculose à l’adolescence, engagé tout jeune dans les FFI de Bourgogne et la première armée du général de Lattre, Hubert Aynard a apprivoisé Fontenay après la Libération, sur les recommandations de son père Pierre, d’abord dans la peau d’un éleveur de charolais. Le jeune exploitant agricole s’est ensuite mis à la pisciculture, livrant ses truites aux restaurateurs du coin à bord de sa camionnette. Puis il a fini par consacrer le reste de son existence à l’abbaye, n’hésitant pas à redonner leur dimension originelle à certains espaces privés, comme ce dortoir des moines et ses sublimes charpentes.

Maire de Marmagne et ses 200 administrés pendant trente ans, l’homme resta fidèle à son morceau de vallon. Il fut d’ailleurs le premier à s’installer véritablement à Fontenay, avec son épouse Dominique et leur fils unique François, lequel reprit le flambeau un trop court instant avant sa disparition prématurée en 2012. 

La nef, le cloître, les jardins à la française dessinés par Dominique, l’ancienne forge : tout, ici, a été embelli dans l’esprit des origines et ouvert à un tourisme exemplaire (100 000 visiteurs annuels). En bienfaiteur discret, Hubert Aynard reléguait volontiers sa propre personne en arrière-plan. « C’est Fontenay qui compte », répétait-il, tout en chérissant de grands souvenirs comme ce concert de Rostropovitch donné ici-même en 1993, pour les 50 ans de son ami Marc Meneau, le chef de l’Esperance à Vézelay. La spiritualité, encore et toujours.

Depuis un siècle, les Aynard font corps avec l’histoire de l’abbaye de Fontenay, comme en témoigne cette photo du tout jeune Hubert, en compagnie de ses parents Pierre et Jeanne Aynard. © Michel Joly / Bourgogne Magazine
Hubert Aynard et son épouse Dominique. © Michel Joly / Bourgogne Magazine

Un chêne est tombé

« Il faisait partie de ces forces tranquilles que l’on croit immortelles, et pourtant, un chêne vient de tomber », image son neveu Evrard de Montgolfier, venu au chevet de Fontenay il y a une dizaine d’années et copropriétaire depuis 2018. En lien avec le directeur d’exploitation Eric Viellard, Evrard de Montgolfier a désormais la responsabilité de l’héritage. Hubert n’est plus là mais Fontenay vit toujours. 2024 réservera son lot de travaux, à commencer par les toitures (le site en compte deux hectares !) dont celle de la chapelle des étrangers (XIIe siècle). « Il avait placé la barre très haut, mais nous avons envie de bien faire », résume le neveu reconnaissant.

La messe d’obsèques sera célébrée mercredi 10 janvier à 10h30 à l’abbatiale de Fontenay par Dom Olivier Quenardel, père abbé de Cîteaux de 1993 à 2021 « dont Hubert était resté très proche ». Puis le chêne de Fontenay repliera ses vieilles branches dans le caveau de Marmagne, aux côtés de son fils, son père et son grand-père.