Bien avant la création de l’Inao, Henri Gouges avait évalué l’importance d’une reconnaissance précise et respectueuse du terroir. Aujourd’hui tenu par deux de ses descendants, les cousins Grégory et Antoine, le domaine reste un phare éclairant pour Nuits-Saint-Georges. Explication en 4 mots clés et 2 cuvées majeures.
Pionnier du terroir
Militaire dans l’infanterie, à la fin de la Première Guerre mondiale, Joseph Gouges dit « Henri » (on ne sait toujours pas pourquoi !) retrouve la famille Gouges-Grivot. Ce sont principalement des greffeurs de plants américains, hyper actifs et assez prospères au lendemain du massacre opéré par le phylloxera. Henri veut devenir viticulteur. Il passe à l’acte et produit ses premières bouteilles en 1919. Tout en développant un peu de négoce, il découvre avec stupeur certaines pratiques de l’époque. L’homme prend conscience que valoriser et respecter le terroir est une nécessité. Henri Gouges est un pionnier du terroir. Il sera l’un des vrais papas de l’organisation de nos vins.
L’avant Inao
Henri va vite et sait mobiliser autour de lui. Plusieurs années avant la naissance officielle de l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité, créé en 1935), dont il sera l’un des grands acteurs, il développe, en 1928, la notion d’authenticité garantie et la fait porter sur les étiquettes. Une sorte de labellisation avant l’heure, qu’il appelle lui-même « le label vert », au grand dam de nombreux négociants. La démarche agace, mais passe. Quelques grands noms du vignoble, D’Angerville et Rousseau notamment, lui emboitent le pas. D’autres régions suivent. Signe, encore une fois avant-coureur, de la notion d’Appellation d’origine contrôlée (AOC). Ses descendants veulent faire revivre la fameuse étiquette de leur arrière-grand-père.
Nuits-Saint-Georges 1er cru Clos des Porrets Saint-Georges
Blanc ou rouge ? Là est la question. Le monopole Clos des Porrets du domaine Gouges s’exprime sur 3,7 hectares dont une toute petite partie, 0,1 hectare, est plantée en pinot blanc. Une mutation mystérieuse du cépage pinot noir, 300 bouteilles de pur bonheur blanc en terre de rouge. Cette rareté, on l’appelle ici le « pinot Gouges ». Éboulis calcaires et sols riches en argile en font, dans sa version rouge premier cru, un des plus grands climats de l’appellation. À terme, il est bon à marier avec une cuisine forestière qui valorisera ses arômes sensuels et soyeux.
Le fameux Saint-Georges
On parle de lui pour une accession probable au titre de grand cru, le premier de l’appellation Nuits-Saint-Georges. Tout le monde reconnaît à ce climat qu’il en a les qualités sans le titre. Henri Gouges, à son époque, n’avait pas voulu appuyer en ce sens par peur de rentrer dans un conflit d’intérêt car il en était un important propriétaire. Aujourd’hui, le Saint-Georges représente 7 hectares répartis entre 13 propriétaires, dont 1,08 hectare toujours exploité par le domaine. C’est un grand vin de garde, rare et puissant, qu’il faut savoir trouver au bon moment.
L’art de la transmission
En Bourgogne, la verticalité n’est pas seulement dans le terroir. Elle est dans les familles. On appelle ça la transmission. Pour anticiper les choses, Henri, toujours et encore lui, a créé la première Société civile d’exploitation agricole (SCEA) du secteur. Véritable outil de protection et de contrôle des successions, surtout dans un domaine aussi complexe que celui des grands vins de Bourgogne, c’est en grande partie cette protection d’usage qui permet aujourd’hui à deux Gouges d’être aux manettes : Grégory (40 ans, deux enfants) et Antoine (33 ans). Les deux cousins ont respectivement accédé à la gestion de l’exploitation en 2008 et 2017.
Nuits sud à fond
La géographie du vignoble de la maison Gouges est incroyablement concentrée sur l’appellation locale : 14,5 hectares entièrement positionnés sur le territoire communal, dont 14 hectares au sud… et un tout petit demi-hectare au nord. Ici, on aime les vins francs, vifs, avec beaucoup de profondeur. « C’est à la vigne que mûrissent les grands vins », disait encore le vénéré patriarche. Avec une éthique entretenue et partagée par les deux cousins Gouges : « Travailler plus en finesse, avec une extraction plus précise tout en intervenant le moins possible. » La réputation du domaine est excellente, elle garantit une diffusion aux trois quarts à l’export, même s’il n’est pas rare de voir des bouteilles de la maison en région.