À Dijon, il a un projet et deux maisons : l’Opéra et le Grand Théâtre. Revenu début 2021 dans sa ville natale pour en assumer la direction, Dominique Pitoiset veut continuer à « rendre moins hors sol » ces deux emblèmes culturels. Simplicité et goût des autres sont au menu. Comme quoi, l’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne…
Dominique Pitoiset a pris la direction de l’Opéra de Dijon le 1er janvier 2021. © Mirco Magliocca
Dans ce contexte, un an, est-ce bien assez pour faire un premier bilan ?
Je suis arrivé le 1er janvier pour voir les spectacles tomber les uns après les autres, avec une équipe courageuse, qui a traversé une transition délicate et des confinements traumatisants. En réalité, on commence à voir ce qu’est la nouvelle maison seulement depuis fin septembre. Ce concert de Gilberto Gil, rayonnant, était un petit retour à la vie. Il fallait voir tout le monde se trémousser dans les travées de l’opéra…
Les choses bougent sur le plan de la communication. On voit l’O|D partout…
C’était un élément central : la relance des dynamiques publiques, avec une nouvelle communication impactante, de nouveaux supports, des gens dynamiques pour faire la promotion de ce que nous sommes.
L’Opéra de Dijon poursuit donc sa mue ?
Oui, on le constate aussi au niveau des partenariats culturels engagés, qui sont au beau fixe. Zutique, La Vapeur, le Théatre Dijon Bourgogne, La Minoterie, l’ABC, Le Consortium, Cirq’Onflex… Cet environnement autorise de superbes perspectives. Le projet d’un mini festival de musiques contemporaines en juin, tous ensemble, est déjà dans les cartons. J’ai travaillé dans de nombreuses villes, jamais je n’ai rencontré un contexte culturel aussi favorable, avec une volonté commune de travailler ensemble.
Structurellement, des choses ont aussi changé…
Oui, cette évolution structurelle a été évoquée dans un document de 70 pages que j’ai remis à la Ville de Dijon. Cette feuille de route débutait nécessairement par l’aspect structurel, avec les travaux du Grand Théâtre, des projets d’ordre écologique, une nouvelle salle de répétition à l’opéra car il nous fallait auparavant bloquer le grand plateau pour des périodes beaucoup trop longues. L’arrière scène a été revue à cet effet. Tout cela s’achemine bien, mais il faut être patient, notamment pour le Grand Théâtre (ndlr, faisant l’objet d’une rénovation plus longue que prévue, pénurie de matériaux oblige). Rome ne s’étant pas faite en un jour…
Vous avez très vite capitalisé sur le mot « d’ouverture ». Un élément de langage politique ?
Il s’agissait plutôt de replacer l’Opéra dans son rôle de proximité, comme un pôle de ressources : c’est un lieu de débat, d’attractivité, avec une place pour les jeunes générations. Le son, le geste et l’espace y sont omniprésents. Les questions fondamentales sont celles-ci : qu’est-ce qu’un théâtre lyrique d’intérêt national ? Que représente un opéra pour la communauté métropolitaine dijonnaise ? Quels en sont les objectifs à terme ? Au bout du compte, il ne s’agit pas de déconstruire l’Opéra de Dijon mais de l’entourer, le rendre moins hors-sol.
L’auditorium de l’Opéra de Dijon en haut, le Grand Théâtre en bas : deux sites majeurs de la culture à Dijon que son directeur Dominique Pitoiset veut ouvrir en grand. © Mirco Magliocca
Ah, l’opéra était dans une tour d’ivoire ?
C’est le risque de tous les opéras aujourd’hui, généralement mal financés dans nos provinces – et là je ne parle pas de Dijon, qui en fait un navire amiral de la politique culturelle. Il faut échapper à l’entre-soi du répertoire classique, qui fait que les sachants sont entre eux. Ce qui m’importe, c’est la rencontre avec le métissage culturel et générationnel. Pour perpétuer notre culture occidentale, il faut impérativement la confronter à tous les métissages possibles. D’autres secteurs ont réussi cette transversalité, comme la danse ou les arts plastiques. L’opéra est sur la voie.
Côté programmation, quel est l’esprit maison ?
Protéger notre portée humaniste, conserver un dialogue sur le sens des choses et ce qui fait lien dans nos communautés. Nos maisons doivent s’adapter aux temps à venir et, malgré toutes les promesses d’écroulements – dont nous traiterons –, notre optimisme doit être accompagné par le génie des grands artistes. Par exemple, nous allons traiter Hänsel et Gretel sous une forme complètement différente : une BD animée en noir et blanc et en partie dessinée en direct, sur très grand écran, par Lorenzo Mattotti. Une véritable performance avec une narratrice qui conte l’histoire des frères Grimm, accompagnée de deux jeunes pianistes du Conservatoire national de Paris. Bien dans l’esprit « l’opéra en famille ».
Et début 2022, Mozart sera la star…
La mise en scène de Così fan tutte signera effectivement notre véritable entrée en matière. Il y aura à la fois la rencontre de l’orchestre, notre chœur de l’Opéra – originalité qui fait l’objet actuellement d’un documentaire – avec Guillaume Tournière a la baguette.
À titre personnel, évoluer dans sa ville natale fait du bien ?
Ce retour vient de la considération de l’enfant que j’étais. Il s’inscrit déjà dans une dynamique, car je ne me vis pas comme un mercenaire. Je sais pourquoi je suis là. Je suis un directeur à durée déterminée (ndlr, trois ans de mandat) et suis, de fait, déterminé (sourires).
Aperçu des propositions artistiques de la fin 2021 et début 2022 à l’Opéra de Dijon.
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de l’Opéra de Dijon. • auditOrium
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4 février. Quatuor Zaïde – Mozart-Webern, quand les musiciennes du Quatuor Zaïde s’engagent dans une poétique confrontation. • granD théâtre
Du 6 au 12 février. Così fan tutte – Une production de l’Opéra de Dijon autour de la fameuse œuvre de Mozart. Mise en scène Dominique Pitoiset. • auditOrium
> Programme O|D saison 21/22 sur opera-dijon.fr