Le b.a.-ba de l’utilisation de la messagerie, la clé d’entrée de la vie professionnelle, la maîtrise du mail et de sa correspondance : face à la dématérialisation généralisée, l’École des métiers Dijon Métropole fait de l’apprentissage du numérique une matière hautement prioritaire. Bienvenue au point zéro du 2.0 !
Par Dominique Bruillot
Pour DijonBeaune Mag 74
Dans les meubles fraichement livrés de la brasserie qui fait aussi office de chantier d’insertion pour adultes, Alain Tomczak savoure la transformation de son établissement et prend la mesure du temps qui passe. Le CFA La Noue n’est plus, vive l’École de métiers ! Ce grand bateau fait naviguer chaque année 1 200 matelots sur la vaste mer de l’apprentissage. Il a le vent en poupe.
Apprentis de la vie
Mais on sent bien que, dans l’esprit du capitaine, ça tangue quelque part. Une pensée le traverse : « Les jeunes, et les moins jeunes, n’utilisent pas toujours leurs outils internet à des fins professionnelles ; ils n’ont pas la notion de la communication telle que la veut la société. » La génération « 2 pouces » est pourtant née sous le signe du net. Mais, à vouloir se « surconnecter » pour la parade, elle se retrouve déconnectée de l’essentiel lorsque cela touche au monde du travail.
Envoyer un mail avec le moins de fautes possible et un minimum de sens de la présentation, y joindre une pièce, rédiger un courriel et/ou un CV sont autant de défis du quotidien qui mettent en difficulté un jeune public plus prompt à saisir la dimension ludique de ces outils que sa dimension utile. « Le manque de connaissances du fonctionnement du système et des protections qu’il offre les tétanise parfois », constate le directeur de l’École des métiers. Nous sommes donc à deux clics à peine de la « parano », de la peur du risque de fuite, d’autant plus sensible à un âge où on a tendance à grossir le trait.
Face à ces apprentis de la vie en 2.0, « qui négligent le bon usage de leur adresse mail et ne la lient pas au téléphone », l’École de métiers évacue le « risque de marginalisation » en imposant une procédure hautement numérisée. « Ils doivent déjà se préinscrire sur internet en fournissant les pièces par ce biais. On sait que ça bloque parfois, reconnaît Alain Tomczak, mais dès que l’on reçoit le mail, on les contacte et on leur demande de venir nous voir pour mieux les accompagner ensuite. »
Non à la « e-exclusion »
Au même titre que l’histoire et la géographie, et même mieux puisqu’il en est fait une priorité dans la chronologie des faits, la gestion de la messagerie est une matière fondamentale dans le panel des évaluations d’un jeune. « On vérifie à ce moment où ils en sont puis, si cela s’avère nécessaire, on leur propose des points d’appui dans leur formation », poursuit le directeur de l’École des métiers.
La dématérialisation s’est emparée de la vie au quotidien, « elle va du contrat d’assurance à l’ouverture d’un compteur à gaz en passant par sa déclaration d’impôts ». Il est donc important, pour ne pas dire vital, de ne pas avoir à subir la « e-exclusion » professionnelle.
S’appuyant sur la méthode « Google for Education », l’École de métiers harmonise et rend obligatoire la création de mails personnalisés. Une généralisation de l’approche numérique qui autorise, dans un deuxième temps, à s’interroger sur la pérennité des salles de classes sur le long terme, d’autant que le phénomène croissant des « moocs » (plateformes d’enseignement et de formation en ligne) accélère le mouvement. « Quand tous maîtriseront les outils en leur possession, c’est une question qui se posera, bien évidemment, admet Alain Tomczack, mais la validation des acquis échappera difficilement à une mise en contrôle. »
On imagine bien en effet que changer un moteur ou se lancer dans une coiffure du dernier cri, ça ne pourra pas se faire par écran interposé. Tout n’est pas que virtuel, fort heureusement.