Elle est un pilier des mythiques cinémas du centre-ville. Rencontre avec Edwige Billebeau, chouette projectionniste sans qui une bonne « toile » dijonnaise serait tout bonnement impossible.
Par Olivier Mouchiquel
Photos : Christophe Remondière
Le cinéma est un monde d’imaginaires. Il existe pourtant, dans ces salles obscures, la réalité des petites mains travailleuses, essentielles pour donner vie à cette évasion. C’est le cas du projectionniste, cet homme invisible qui fait jaillir la lumière. En l’occurence, l’Olympia et le Darcy emploient une femme à ce poste. Fini le vieux bougon chargeant les vieilles bobines. Edwige Billebeau témoigne de cette féminisation du métier. « Les gens sont souvent surpris quand je me présente », concède cette titulaire d’un CAP opérateur projectionniste, une formation en voie de disparition. Avec son air de ne pas y toucher, Edwige est pourtant le pilier technique des cinémas. Projection, éclairage, caisse, confiserie, elle sait tout faire et peut dépanner partout. Comme ses quatre collègues masculins, qui lui viennent facilement en aide : « Ils ne sont pas du tout machos et sont aux petits soins avec moi. Ils me préparent souvent les micros à l’avance, font les branchements… On est une bonne équipe. Cette mixité est une grande richesse. »
Épisodes fondateurs
Sa passion pour ce métier est venue de deux épisodes fondateurs. D’abord un père cinéphile qui l’emmène voir, à 9 ans, un film interdit aux moins de 12, Le Treizième guerrier. Puis un stage de 3e dans le cinéma de sa petite ville nivernaise de Decize. La jeune femme dit avoir « adoré le bruit de la pellicule qui défile et le grain de l’image ». Projectionniste depuis 2013, Edwige est passionné par ce métier d’action, un peu secret, « là où la magie opère ». Au niveau technique, les choses sont évidemment plus simples qu’il y a plusieurs décennies. Notre Niversaise dit tout de même son petit regret de ne pas avoir connu le 35 millimètres : « J’étais trop jeune, ça a disparu trop vite. »
Désormais, Edwige reçoit un fichier crypté sur disque dur livré par transporteur ou dématérialisé par satellite, et une clé de lecture envoyée par un autre circuit. Dans tout cela, il faut aussi programmer les lumières, adapter le volume en fonction du générique… Les journées sont à préparer au millimètre : « On travaille tous les week-ends. Il faut caler la programmation le lundi et mardi, les films changeant le mercredi, et nous organisons beaucoup d’événements à l’Olympia et au Darcy. »
Secrets bien gardés
Quid du coup de la panne, dans tout ce système bien rodé ? « On en a toujours peur, avoue la professionnelle, comme avec les violents orages où tout peut disjoncter. Dans ces moments-là, on est en rage. Le projectionniste n’aime pas décevoir les spectateurs. » Heureusement, ces petits problèmes restent exceptionnels. À tous les coups ou presque, notre femme de l’ombre déroule le film d’une soirée réussie. Avec, c’est son petit plaisir, une vue imprenable sur les spectateurs depuis le hublot de sa cabine : « Les gens oublient les caméras de surveillance, nous les voyons souvent s’amuser dans la salle avant le début de la séance, danser ou faire la roue devant l’écran ! » Promis, la femme de l’ombre sait garder les secrets.