Alexandra Vincent, David Chedoz et Yves Fermont dirigent des entreprises très diverses. Ils ont en commun d’être engagés auprès de la CPME Côte-d’Or et d’avoir une vision prudente de la rentrée. Les Bleus ont gagné certes, mais la bataille de l’économie continue…
Propos recueillis par Dominique Bruillot
Photos : Jonas Jacquel
Dans la foulée de l’euphorique consécration des Bleus à la Coupe du monde, on pourrait croire que le moral des troupes est au beau fixe et que la rentrée sera douce. La question a été posée à trois éminents représentants de la CPME 21 : Alexandra Vincent, expert-comptable et commissaire aux comptes associée dans le cabinet AGC (120 salariés) ; David Chedoz, photographe à Arceau et président du pôle artisanat de la CPME 21 (mais aussi mandataire de la chambre artisanale) ; Yves Fermont, dirigeant de Curot Construction à Longvic (une centaine de salariés et intérimaires). Trois questions posées, trois visions différentes du monde de l’économie à la base, qui se retrouvent pourtant sur un sentiment général : la victoire est derrière nous, la rentrée sera chaude et le gouvernement a encore du pain sur la planche pour convaincre.
La victoire en Coupe du monde va-t-elle changer quelque chose au moral des troupes ?
Alexandra Vincent. La victoire a donné un petit coup de gaieté à la France entière en fédérant pendant une période déterminée. Cet événement étant tombé, qui plus est, pendant le mois de juillet, je crains que l’euphorie ne soit déjà oubliée à la rentrée.
David Chedoz. Dans un premier temps, de manière générale, les Français attachent beaucoup d’importance au plaisir de célébrer, le beau temps faisant, ainsi qu’une manifestation sportive de grande envergure. La victoire a un effet immédiat mais je pense que c’est déjà presque passé de date vu que tout va plus vite aujourd’hui. Ils se sont vite projetés sur les vacances de l’été.
Yves Fermont. Tout d’abord un grand bravo à cette équipe de France qui nous a fait vibrer jusqu’à la victoire finale. Je souhaite vivement que cette nouvelle étoile emportera la France jusqu’au sommet ! Cependant les premiers gagnants sont : Nike, les industries de la bière, les producteurs de rosé, les cafetiers et enfin les coiffeurs (pour ceux qui ont tenu leur pari comme Giroud !).
Faut-il craindre (ou pas) une rentrée sociale agitée ?
Alexandra Vincent. La réforme des retraites reste à enclencher, elle ne pourra pas se faire dans la tranquillité. Même si de manière citoyenne et macro-économique chacun est convaincu de l’utilité d’une réforme, chaque individu sera opposé à perdre des avantages sociaux. Il faut donc forcément craindre une rentrée très agitée !
David Chedoz. Les rentrées sont toujours quelque part agitées. Les lois qui se présentent les unes derrière les autres et le sentiment d’inégalité et d’injustice vont finir par prendre de plus en plus de place dans notre beau pays malheureusement. Il va falloir vraiment réagir un jour !
Yves Fermont. Je ne la crains pas dans mon entreprise. Le gouvernement, lui, devra faire preuve talent et d’opiniâtreté pour faire aboutir les réformes indispensables à la reprise de l’économie de notre pays, en restant attentif et suffisamment consensuel pour gérer dans la plus grande sérénité toutes les formes possibles de résistance au changement.
Sur quel point le gouvernement peut-il agir en fin d’année dans votre secteur ?
Alexandra Vincent. Notre secteur est particulièrement touché, avec le projet de loi Pacte qui entend relever les seuils de nomination des commissaires aux comptes aux niveaux européens. 7 000 emplois sont menacés. Une écoute de la profession sur une remontée de ces seuils, oui, mais pas au niveau européen, serait la bienvenue. Enfin, comme tous nos clients, tous secteurs d’activités confondus, nous subissons une pénurie de main d’œuvre. Un signe fort du gouvernement pourrait être la remise en place des heures supplémentaires défiscalisées et moins taxées en matière de charges sociales.
David Chedoz. Je pense que l’on doit prendre en considération le fait qu’une personne qui a des convictions sur son futur métier doit avoir un accès direct et ne plus passer par des cursus qui ne lui donneront pas son but. L’artisanat et l’apprentissage sont une voie d’excellence avec des valeurs sur lesquelles débouche un vrai métier. Le gouvernement devrait cesser de vouloir à tout prix casser ces codes en pratiquant « l’uberisation ». Cela tire les métiers par le bas et l’artisanat en fait les frais.
Yves Fermont. Trouver les bras de leviers qui donneront envie et qui permettront aux entreprises et aux industriels d’investir durablement en France. Je pense que vous voyez ce que je veux dire !