Quand le légendaire Petit Prince de Saint-Exupéry prend des airs de patois, c’est Gérard Taverdet qui revisite un grand classique à la sauce bourguignonne. Rencontre!
Par Michel Giraud
Dessin: Bernard Deubelbeiss
Extrait du dernier Bourgogne Magazine
Lorsque l’on évoque le patois bourguignon, Gérard Taverdet est incontournable. Ce patois qu’il a découvert, tout petit, dans les basques de son arrière-grand-mère, qu’il a ensuite appris, décortiqué aussi dans ses recherches universitaires, notamment pour le CNRS.
En 2009, il avait déjà offert aux passionnés une succulente traduction de Tintin et les Bijoux de la Castafiore, devenus en bourguignon Lés Ancorpions de lai Castafiore. Aujourd’hui, il revient avec un autre monument : le Petit Prince de Saint Exupéry.
« L’idée est venue de l’association Langues de Bourgogne, rappelle Gérard Taverdet. Il faut savoir que le Petit Prince est l’ouvrage le plus traduit au monde après la bible, avec près de 300 traductions recensées. Il faut en fait comprendre qu’il y a des ouvrages qui sont plus faciles que d’autres à traduire. C’était déjà le cas avec les Bijoux de la Castafiore qui est l’album de Tintin le plus adapté. » Il aura tout de même fallu un an et demi de travail pour arriver au résultat que l’on découvre depuis quelques semaines dans les librairies de la région.
« Il faut ajouter à cela les 75 ans qu’il m’a fallu pour apprendre et maîtriser le patois », sourit Gérard Taverdet, pour qui le premier écueil a été le titre: « Nous avons décidé de transformer le Petit Prince, en Petit Duc. D’abord parce que nous n’avons pas eu de Prince en Bourgogne, explique l’auteur. Et parce que nous avons vraiment eu un Petit Duc autour des XIIIe et XIVe siècles qui vivait du côté de Rouvres près de Dijon. Cela donne donc El Mouné Duc […] C’est bien plus compliqué de traduire un ouvrage en patois que dans une grande langue étrangère. Régulièrement, il faut aller chercher des mots, il faut comparer des pratiques selon les coins de Bourgogne. J’ai eu la chance de pouvoir m’appuyer sur un atlas linguistique que j’avais déjà écrit et sur certains autres ouvrages dont je suis l’auteur. »
Aujourd’hui, El Mouné Duc comble déjà les collectionneurs de traductions, les amateurs de patois aussi: « L’adaptation de Tintin en patois bourguignon a été vendue à 3 000 exemplaires. Il y a des collectionneurs partout dans la région, partout dans le monde aussi. Mon éditeur – Tintenfass – a proposé El Mouné Duc à la souscription, et des Américains, des Turcs, des Hollandais, des Belges et des Suisses ont fait part de leur intérêt. Après c’est difficile de savoir, en Bourgogne, quel public peut être intéressé par un tel ouvrage. Ce que je sais c’est qu’en décembre 2008, le livre le plus vendu à Dijon, c’était Lés Ancorpions de lai Castafiore, devant le prix Goncourt de l’époque. » Souhaitons le même succès à notre Petit Duc !
Mots choisis
« Tout n’a pas été simple, sourit Gérard Taverdet. Les noms d’animaux ont par exemple été relativement faciles à traduire. Il y a ainsi un renard dans le Petit Prince. J’avais le choix entre deux mots: le classique Renâd (à prononcer R’na), proche du français, ou le Vorpi, la version en patois du Goupil, qui est de moins en moins utilisée. C’est un mot qui n’aurait pas été compris de tous. Je l’ai donc écarté. Il y a aussi le Serpent qui devient La Sarpant, car c’est un mot féminin en latin, féminin aussi en patois bourguignon. Pour le mouton, j’ai eu le choix entre 4 ou 5 mots. J’ai choisi le très classique Meuton, mais j’aurais pu aussi prendre Lai Queusse. En revanche, il y a des mots comme Avion ou Baobab que je n’ai pas pu traduire et que je laisse tels quels dans l’ouvrage. »