Il était le génie beaunois du mouvement et d’une certaine façon le véritable inventeur du cinéma. Mais sa statue avait pris un sacré coup de vieux. 6980 euros plus loin, un mouvement de solidarité lui redonne vie. Bien que dépouillé du chronomètre qu’il tenait à la main, Etienne-Jules Marey est plus que jamais hors du temps.
C’est à Auguste Dubois, principal du collège Monge que l’on doit, au début du XXème siècle, l’initiative d’une souscription publique internationale pour la création d’une statue à Etienne-Jules Marey. Un terrain mis à disposition par la Ville, l’œil de l’architecte Régis Jardel et le talent du grand sculpteur bourguignon et Prix de Rome Henri Bouchard donneront naissance à une œuvre qui bousculera les codes artistiques de l’époque.
Inaugurée en présence du Ministre des Finances en 1913, elle « désarçonne par sa simplicité ». Comme nous le décrit le service Patrimoine de Beaune: « aucun socle ne vient surhausser la statue de Marey, si ce n’est un siège à peine plus haut que le niveau de la rue: il s’agit d’une vision moderne de la sculpture reprise un peu partout au XXème siècle. En même temps, et à la manière des images sacrées issues du Moyen-Age, elle rassemble, tels les attributs du Maître, quelques-uns de ses sujets d’étude: des chevaux galopant –une obsession chez le savant– au vol des oiseaux. Sa main droite tenait un chronomètre, hélas disparu. »
Le premier film
Etienne-Jules Marey le valait bien. Né à Beaune le 5 mars 1830, à l’angle de la rue du Collège et de la rue Gandelot, son père le voulait médecin, allant même jusqu’à l’envoyer à Paris dans ce but. Brillant, le jeune homme décrochera un doctorat de médecine en 1859 et émerveillera son jury avec sa thèse sur la « Recherche sur la circulation du sang à l’état physiologique et dans les maladies ».
Marey est donc un chercheur né. La méthode graphique (puis chronophotographique), le mouvement physiologique puis pour la locomotion humaine et animale seront au cœur de ses travaux. En 1882, il met en lumière les fonctions du Vivant et plus particulièrement le mouvement. Cardiologues, biologistes mais également fous d’aviation lui devront beaucoup. Surtout, en 1889, six ans avant le défi cinématographique des Frères Lumières, Marey tourne le premier film scientifique au monde. Il décèdera le 15 mai 1904, laissant derrière lui un immense héritage scientifique.
Mais le monument en pierre calcaire qui lui rend hommage avait fini par subir l’épreuve du temps. L’association des Amis de Marey et les musées de de la ville (elle-même propriétaire de la statue), associés à la Fondation du Patrimoine ont lancé avec succès une souscription publique. 6980 euros plus loin (il en fallait en réalité un peu moins de 6500), le restaurateur du patrimoine Jean Delivré a fait le « job ». Après avoir détruit par traitement biocide les micro-organismes (mousse et lichens); puis procédé à un solide nettoyage à la brosse et à l’eau; une purge et un bouchage des joints et fissures ont redonné vie à Etienne-Jules Marey et à la charmante petite place où siège le grand homme depuis plus d’un siècle.
Autant dire que même sans son chronomètre, le personnage est plus que jamais hors du temps.