La nouvelle exposition du musée des Beaux-Arts de Beaune autour de l’aquarelliste Émile Goussery livre une vraie chronique urbaine de la cité du vin. En écho, les aquarelles de sa fille et les photographies de son petit-fils, réunies pour la première fois.
Succédant à une rétrospective du beaunois Michel Tourlière, le musée des Beaux-Arts de Beaune ouvre sa nouvelle saison à un Beaunois d’adoption, le peintre Émile Goussery (1867-1941), né à Joigny. « Il y a un nombre impressionnant d’aquarelles signées Goussery dans les familles beaunoises mais aussi aux États-Unis », pose d’emblée Laure Ménétrier, directrice des Musées de Beaune qui a conduit son étude en collaboration avec les Archives municipales et les descendants du peintre. Le patriarche a fait de sa ville d’élection une sorte de muse. « Tous les faits importants, vie quotidienne, édifices, transformations urbaines, métiers disparus, ont été croqués sur le motif par Goussery. On peut aborder son œuvre d’un point de vue historique ou artistique », analyse-t-elle.
50 ans d’images urbaines
Du milieu du XIXe au début du XXIe siècle, ils sont trois de la même famille, auteurs de cette mémoire collective : Émile, le père, sa fille Marie qui a aussi portraituré Beaune et le petit-fils, Yves Paris, photographe de la scène théâtrale locale et nationale. « Émile Goussery peut être associé au mouvement post-impressionniste, aimant saisir les moments de vie, de Beaune, de Bourgogne ou de Bretagne », développe Laure Ménétrier. Ses Sources de l’Aigue, peintes en 1919, sont intemporelles, en signe de paix revenue. A contrario de l’année 1940 où les coloris sont aussi délicats mais où le désarroi transperce. Les désolations de Beaune après bombardement sont contrebalancées par un autre thème, saisi sur le motif, de quelques soldats Allemands assis sur un banc. La scène fait contre-point à La place Monge en liesse, précisément datée du « 11 novembre 1918, 4 h 1/2 ». Ces séries relèvent de la chronique urbaine : Construction en 1936 de l’école de filles (actuel collège Jules Ferry). Ancien camp américain des années 1916. Grand chapiteau de cirque, place Madeleine. Jour de marché, place Carnot. Non achevée (Goussery s’éteint en décembre 1941), sa dernière aquarelle ressemble à s’y méprendre au marché d’aujourd’hui.
Acteur de la ville
À cette topographie, s’ajoutent ses autres centres d’intérêt. Pour la vie des vignerons, par exemple, avec Le Grand alambic ou Les brandeviniers (bouilleurs de cru). « Il initiera une collecte d’objets vineux dans la perspective de la création d’un musée du vin », justifie Laure Ménétrier. Menant de front enseignement du dessin au collège Monge et cours du soir dans le cadre de l’éducation populaire, « il a administré un des hôpitaux beaunois à l’arrière du front, s’est mobilisé pour qu’un monument soit dressé aux figures beaunoises, Félix Ziem et Etienne-Jules Marey, ou par l’achat d’œuvres qui figurent aujourd’hui au musée dont il fut l’un des conservateurs», résume encore notre guide du jour.
Art en famille
Sa fille, Marie, suit quant à elle un chemin artistique et professionnel similaire, à l’origine de l’école d’art appliquée où elle a enseigné et de l’association beaunoise L’Atelier, toujours bien active. « Dans sa manière de peindre, elle emprunte à son père l’art subtil de l’éclairage, soulignant ses contours de traits d’encre qui lui sont caractéristiques », commente la directrice. De ses années passées au Liban, accompagnant son époux officier de marine, elle rapporte quelques aquarelles et des clichés, exposés aux côtés d’oeuvres et de photographies du Maghreb par Félix Ziem et Félix-Jules Naigeon. Quant à son fils, Yves, il s’est consacré à photographier le monde du spectacle, dont l’exceptionnel fonds est conservé aux Archives municipales. Couvrant notamment les tournées de la compagnie Maurice Béjart, le festival de Cannes ou la création du Théâtre de Bourgogne, parti de Pernand-Vergelesses vers Beaune. Cet art de fixer le présent sur pellicule, son grand-père l’utilisa aussi comme médium artistique, préparatoire à son travail sur le motif. Une belle réunion de famille dans la même exposition, en somme. Elle trouve une résonance inattendue avec celle de Noël, Jean et Gérard Dorville, famille d’illustrateurs, caricaturistes et bédéistes, elle aussi en bonne place au musée.