Fabian Ruinet, le nouveau maire surprise de Talant, a du pain sur la planche et des choses à prouver. Entre gestion de crise, projets culturels et sécurité, il entend rasséréner la quatrième ville de Côte-d’Or, sa « grande petite ville ».
D’abord, quel rapport intime entretenez-vous avec la ville de Talant ?
Un maire est toujours passionné par sa ville. Tous vous diront d’ailleurs qu’elle est la plus belle, la plus attractive, la plus attachante, etc. En ce qui me concerne, je suis donc un passionné de Talant. Cette ville, je la vis depuis 25 ans comme talantais. J’en connais ses moindres recoins, ses quartiers, ses habitants, ses forces et ses difficultés. Talant est une ville avec plusieurs visages c’est vrai, mais c’est une ville attachante, variée et humaine. C’est une véritable colline verte aux sein de la métropole d’une part et aux portes de formidables espaces naturels d’autre part. En résumé, c’est mon quotidien, c’est tout une vie.
Sans refaire le match des conditions de votre installation*, avez-vous le sentiment d’évoluer dans un environnement constructif ?
Chacun connaît les raisons qui ont poussé l’équipe à faire différemment au moment de l’élection du maire. C’est une affaire de connaissances et d’attaches personnelles avec la ville. Dès lors, élus comme citoyens ont accepté et compris cette situation. Ils me connaissent depuis plus de 15 ans pour la plupart d’entre eux. Ils savent mon engagement et souhaitent comme moi la réussite de la ville. Ils sont donc constructifs et intéressés par le débat public. D’autres ont été plus surpris et ont besoin de temps, je peux le comprendre. À l’inverse, une extrême minorité radicalisée souhaitant l’échec de notre ville tente en permanence de saborder l’action municipale et de discréditer le débat public. Je ne peux pas l’accepter. Qu’on s’attaque à moi, pourquoi pas, mais à Talant non.
* La liste conduite par Adrien Guené (LR), successeur désigné de Gilbert Menut, fut élue au premier tour avec 60% des voix. Le 23 mai, une majorité de conseillers municipaux a finalement élu Fabian Ruinet, candidat surprise en troisième position sur la liste gagnante.
Vous êtes confronté au double défi d’administrer la quatrième ville du département en pleine crise sanitaire et, donc, de faire vos preuves. Êtes-vous le maire le plus attendu de Côte-d’Or ?
Ce serait bien prétentieux de le dire. Chaque maire est attendu dans sa commune. Je me sais particulièrement regardé, c’est normal. En cette période de crise, les citoyens sont à la recherche de repères. Plus que jamais, l’échelon de proximité, c’est le maire, ce sont les adjoints, c’est la mairie. Il est donc normal que nous soyons pleinement mobilisés afin de donner un cap le plus clair possible. Nous devons, aux côtés de l’État, cogérer cette crise tout en faisant « tourner la boutique ». C’est la tâche exigeante mais exaltante qui est la mienne au quotidien.
Le « bon sens du chef d’entreprise » vous accompagne, vous l’avez dit. Hormis cela, comment définiriez-vous le « style » Fabian Ruinet ?
Je ne sais pas s’il y a un « style Fabian Ruinet ». En tout cas avec l’équipe nous avons une méthode, c’est le terrain. Je crois beaucoup au rendez-vous de proximité, à l’interpellation directe. Je me rends disponible à chaque fois qu’un Talantais le demande. On me dit souvent « Ah Fabian, ce qui est simple avec toi, c’est que tu réponds facilement au téléphone et aux sms. » Je pense que c’est primordial d’entretenir ce lien spontané avec les habitants. Talant, c’est finalement une grande petite ville.
Il y a quelques semaines, une zone drive avait poussé sur le parking de L’Écrin pour ses commerces confinés. Avec quels résultats ?
Comme beaucoup, j’ai été frappé par le sort terriblement injuste des petits commerces en cette période de confinement. Comme de nombreux collègues maires, j’ai pris un arrêté municipal pour les défendre et leur permettre de rester ouverts, y compris les « non essentiels ». C’était bien entendu symbolique. On ne pouvait pas s’arrêter là. J’ai demandé aux services d’étudier la possibilité de mettre en place une zone drive, ce qu’on a fait. En terme de communication, la Ville s’est mise à faire la promotion des commerçants encore ouverts sur les réseaux, dans le magazine municipal, etc. Certains sont venus dire que les commerçants attendaient trop de la ville. C’est faux, ils souhaitent simplement être soutenus et compris. Nous avons été, sommes et serons toujours à leurs côtés.
L’Écrin, justement, est le signal d’un rayonnement nouveau. Comment comptez-vous saisir son potentiel ?
Moins de 10 mois de fonctionnement au total depuis son inauguration en mars 2019… et L’Écrin plait ! Pour cette période, entre reprogrammations et reports, les contacts avec les professionnels sont permanents. L’équipe d’Hortense Bourguignon, notre directrice, fournit un travail remarquable. Mais tout est calé pour un redémarrage de qualité, croyez-moi ! (ndlr, interview réalisée avant l’annonce d’une fermeture prolongée jusqu’au 7 janvier minimum) L’Écrin sera la tête de pont de notre nouvelle offre culturelle globale. Nous allons intégrer le « hors les murs » aux structures déjà existantes, pour une proposition plus dense et cohérente au cœur de nos quartiers. Nous l’avons pensée avec Laurent Arnaud, adjoint à la culture et au patrimoine. ART’GO, collectif d’artistes en résidence au sein du bourg, est un des éléments de notre projet de territoire que nous voulons plus participatif. Nous allons étonner !
Vous avez ouvert la porte à Dijon Métropole. De quelle façon peut s’articuler cette nouvelle intelligence métropolitaine ?
Je suis un homme modéré et je ne crois pas à l’affrontement systématique. D’ailleurs les Talantais ne voulaient plus de cette politique douloureuse où plus rien n’était envisagé ni même négocié (l’état de la voirie à Talant en est le symbole). Nous sommes donc désormais dans une relation nouvelle et constructive avec la Métropole. Les nombreux dossiers bloqués commencent à évoluer. La métropole est un partenaire et nous devons trouver un équilibre. C’est ce que j’ai dit à son président. Nous souhaitons avancer de concert sur les grands dossiers du territoire mais nous resterons vigilants sur l’urbanisme à Talant.
La sécurité est un thème récurrent, dans le quartier prioritaire du Belvédère notamment. Il n’est pas rare que l’on vous interpelle directement sur le sujet…
Je comprends parfois l’exaspération de certains habitants sur les problématiques de sécurité. Je sais que ces derniers attendent beaucoup de nous et ils ont raison. Nous devons aller encore plus vite pour être opérationnels. Le nouveau commissariat de police municipale, dans lequel nous avons investi presque 300 000 euros, ouvrira au printemps. Le recrutement d’un chef de poste et d’agents supplémentaires est lancé, les études sur l’armement et la vidéoprotection sont en cours. Les habitants aimeraient que le dispositif soit déjà opérationnel. Mais nous avons besoin de temps pour qu’il soit complet. Dans tous les cas, nous sommes déterminés et nous irons jusqu’au bout sur ce sujet.
Dans un autre registre, Talant a aussi un joli patrimoine viticole en (re)construction. Que comptez-vous en faire ?
C’est une richesse pour le patrimoine de notre ville. Mes prédécesseurs, Baptiste Carminati (ndlr, maire de 1983 à 1997) et Gilbert Menut (1997-2020) ont beaucoup œuvré en ce sens. Il faut mettre en avant et développer cette richesse. Après le blanc, le crémant et le rouge de Talant arriveront dans les prochaines années. Je m’en réjouis. À son rythme, Talant s’affirme comme une place de référence viticole au sein de la métropole.
Le conseil municipal est à présent filmé et disponible sur YouTube. Faut-il y voir la promesse d’un mandat transparent ?
Le contexte sanitaire nous impose une démocratie proche, connectée et visible. C’est aussi un enjeu de génération. Je suis pour la dématérialisation, le développement du numérique et l’accès aux nouveaux outils de communication. C’est aussi important d’offrir aux Talantais la possibilité de suivre directement les travaux de notre assemblée. Quant à la transparence elle est une règle évidente. Si certains aiment les « fake news », ce n’est pas mon cas. Avec l’équipe, nous nous sommes engagés dans une dépense raisonnée de l’argent public. Il faut engager les crédits utiles et faire la chasse aux dépenses inopportunes. C’est peut-être mon côté « chef d’entreprise » qui ressort. Même si je suis persuadé qu’on ne gère pas une collectivité comme on gère une entreprise, il est parfois bon de s’en inspirer notamment lorsqu’il s’agit de dépenser l’argent de nos impôts.
Fabian Ruinet (48 ans, gérant de l’entreprise Guillerme) est maire de Talant (LR) depuis mai 2020
Talant est la quatrième ville de Cote-d’Or avec 11 920 habitants