C’est au détour d’un rendez-vous de présentation avec le nouveau directeur du BIVB, qu’il nous a été donné de voir cet hallucinant spectacle d’une série de vulgaires faux bourgognes dont la malhonnêteté n’a d’égale que la grossièreté. Et ça se vend paraît-il.
À croire que les faussaires sont des illettrés qui ne lisent même pas Wikipédia. Le spectacle ahurissant de ces bouteilles entreposées dans le bureau de Christian Vanier, le nouveau directeur de l’interprofession des vins de Bourgogne depuis décembre, en dit long sur l’étendue de leur culot. On peut en rire, mais ces drôles de flacons sont censés représenter nos vins, et se trouvent facilement et en assez grand nombre dans les étals de pays peu scrupuleux.
On veut bien se passionner, comme l’ont fait les chaînes télé, pour l’incroyable feuilleton dont le vigneron Laurent Ponsot a été le héros malgré lui, et qui a permis de mettre sous clé le « Madoff des grands crus » américain. On peut encore s’intéresser à l’histoire de ces deux Italiens et de ce Russe qui se sont expliqués devant le tribunal de Dijon, semaine dernière, pour avoir mis de la pisse d’âne dans des bouteilles de Romanée Conti… mais là, ça dépasse l’entendement : non seulement ils font n’importe quoi, ces rigolos de la fraude, mais ils semblent complètement incultes.
À commencer par la forme des bouteilles choisies, qui tient plus des vins du sud que de la Bourgogne. Ces étiquettes ont aussi de quoi faire sourire (jaune) tant les intitulés sont « abracadabrantesques ». On pourrait donc faire du bourgogne avec du cabernet ? Philippe le Hardi s’en retourne dans sa tombe ! Et les Bordelais, plus habitués à ce cépage, en restent bouche bée !
Bouffons et comiques troupiers
Ces comiques troupiers n’ont même pas le souci de l’orthographe. Le « franglais » indigeste de la contre-étiquette publiée ci-dessous en atteste. On y vante les mérites d’un « vignoble de 7 hectares situea la limite de Bourgogne (sic)« et, quelques lignes plus loin, les « vignes de qualites de Sain emilion ». Plus grossier que ça tu meurs. Et l’association des mots Sifram et Burgundy déjoue tous les pronostics : Sifram, nous enseigne Google, est une entreprise d’équipements industriels basée à Saint-Herblainou, en Loire-Atlantique.
Vulgaires dans le fond comme dans la forme, ces imitations amuseront ou choqueront, c’est selon. Mais la majorité de ces contrefaçons n’atteignent malheureusement pas ce niveau de bouffonnerie. Beaucoup plus sophistiquées, elles sont de vraies épidémies pour un système difficile à réguler. Malgré la vigilance de nombreux acteurs, ces faux sont assez facilement écoulés. Ils trouvent un public très peu averti et avide de boire une « marque », la Bourgogne en l’occurrence, plutôt qu’un vin.
Alors, plus c’est gros, plus ça passe ? Le Figaro avance qu’en Chine « 40% des vins importés seraient des faux, selon certains experts ». Victimes de leur succès, les bourgognes sont en première ligne. Le BIVB n’a pas attendu 2017 pour ouvrir les yeux sur le phénomène. Il travaille par exemple à une reconnaissance de ses appellations par les autorités chinoises. Les vins de Bordeaux ont ouvert la voie avec l’AOC Bordeaux et 45 IGP reconnues par Pékin l’an passé, facilitant ainsi les contrôles. À la Bourgogne d’imiter le Bordelais ! Mais pas trop quand même…