Dans une vingtaine d’années, la domotique et la notion de durabilité seront installées dans les murs de nos constructions. Trois vice-présidents de la Fédération Française du Bâtiment de Côte-d’Or (Emmanuel Chevasson, Stéphane Gazelle et Marc Potier) ont confié à Dijon-Beaune Mag leur sentiment sur les défis qui attendent leur secteur. L’éthique et le bon sens sont en ligne de mire. Comme de solides fondations.
Par Dominique Bruillot
Pour Dijon-Beaune Mag #70
Photos : Christophe Remondière
Quand le bâtiment va… ce sont 300 entreprises et 5 000 salariés qui vont bien en Côte-d’Or. En proie à une équation complexe, entre le va-et-vient de la commande publique et une nécessaire revalorisation des métiers qu’il représente, ce secteur demeure le baromètre de notre économie. Mais il doit composer avec ses réalités tout en anticipant le virage d’une véritable révolution annoncée : celle d’un monde évoluant dans les sphères de la 3D et de la domotique.
Mieux penser
« Bâtissons équitable, bâtissons efficace, bâtissons exemplaire ! », avait lancé Frédéric Demongeot, le président de la FFB21 (Fédération Française du Bâtiment de Côte-d’Or) lors de son assemblée générale en juin 2017. Le mot d’ordre n’a rien d’une formule philosophique faite pour amuser la cantonade le temps d’une réunion. Il colle aux aspirations profondes d’une époque qui peine à sortir d’une non gestion de la construction.
« Nous ne devons plus travailler seuls dans notre coin et nous regarder le nombril », tranche Marc Potier. À 31 ans, il dirige DME, une entreprise de dépannage et maintenance qui emploie une vingtaine de personnes à Quetigny. Titulaire d’une licence de développement durable, il appartient à cette génération qui a navigué entre les études supérieures et l’apprentissage (c’est notamment un ancien du CFA de La Noue, devenue École des Métiers), et se nourrit de convictions environnementalistes : « Nous sommes face à une problématique énergétique, il faut mieux penser les choses en amont, car la technique est là mais les gens doivent être éduqués à chauffer à 20 degrés. »
Vive l’Éducation ! Que du bon sens ! Tout comme le souligne Stéphane Gazelle, qui déplore cette obstination à faire « des bâtiments extrêmement chers sans savoir s’en servir ». Pour le président de l’entreprise de gros œuvre Paquet SAS à Fontaine-lès-Dijon (78 salariés), tout est affaire de pédagogie : « La nuit, la température dans les bureaux est laissée à 22 ou 23 degrés, et dans ce constat les chefs d’entreprise ne sont pas les seuls responsables, cela concerne tout le monde. »
Le geste, pas encore l’ambition
Sur ce point, les deux hommes font front commun. Marc Potier sait à quel point un peu de réflexion peut apporter beaucoup à une exploitation : « Nous avons repris une gestion domotique de l’éclairage des 250 agences de la Caisse d’Épargne de Bourgogne-Franche-Comté, elle permet de réaliser une économie de 7000 euros par agence ! » Même si les excès de réglementation dont nous sommes friands en France entrainent d’autres excès. « Le coût de construction a pris 20% à cause des normes », déplore Stéphane Gazelle, tout en reconnaissant que « le projet de loi Elan* redonnera un peu de souplesse à tout ça et nous permettra de revenir aux recettes de cuisine de grand-mère ».
De quoi envisager le bâtiment « non pas dans son surcoût immédiat, mais dans la perspective de son coût de fonctionnement ».Emmanuel Chevasson adhère pleinement.Le groupe Pacotte et Mignotte qu’il dirige à Dijon (185 collaborateurs) est en effet un grand spécialiste de la fenêtre et du volet. Toutefois, d’après lui, « le Bâtiment observe sa mue avec du retard ». Ce secteur entre deux chaises relève à la fois de l’acte industriel, avec la noblesse du bâtiment industriel, et de l’accumulation de nombreux savoir-faire qui ne sont pas délocalisables. C’est ainsi, « on a le geste mais pas encore l’ambition ! » Tous en formation !
Mastodontes et individualisme
La France peut se targuer d’avoir donné naissance aux mastodontes mondiaux du Bâtiment, les Bouygues, Vinci et compagnie. Dans le même temps, notre pays a le culte de l’individualisme. « Tout y est complexifié par une multitude de savoir-faire. Nous les détenons, mais nos artisans n’ont pas les moyens de se lancer dans la recherche et le développement, nous manquons d’ETI (ndlr, entreprises à taille intermédiaire), qui pourraient entrainer les autres dans leur sillage. » En point de mire pour Emmanuel Chevasson, l’exemplarité toulousaine, incarnée par le « comportement d’Airbus avec ses sous-traitants ».
Étage après étage, se dessine donc l’architecture d’un Bâtiment idéal dans lequel le génie créatif serait protégé, dans le sens de l’intérêt général et de l’environnement, avec des locomotives économiques à la hauteur des projets dans les régions. La vision aussi d’une approche globale de la construction, anticipée, soucieuse de contrôler les prix, c’est une évidence, tout en portant une éthique en devenir. La formation est au cœur de l’ambition globale du secteur. C’est assez logique et responsable. Peut-être qu’en 2040, on dira même : « Quand l’apprentissage va, tout va ! » Un sacré chantier en perspective.
* Elan (Évolution de Logement, de l’Aménagement et du Numérique) est un projet de loi visant à favoriser les petits acteurs du secteur et à accélérer la transformation digitale du bâtiment. Au programme notamment : création d’un bail mobilité, réforme des HLM, contrôle renforcé des meublés touristiques…