Pour l’antenne côte-d’orienne de la Fédération Française du Bâtiment, le chantier de la solidarité est vaste. Mais les fondations sont saines, comme en témoigne sa secrétaire générale Valérie Bernard. À travers « Bâtissons équitable », la FFB21 a une devise qui lui est propre : liberté, équité, fraternité.
Propos recueillis par Alexis Cappellaro
Photo : Christophe Remondière
Pour Dijon-Beaune Mag 73
La FFB21 a choisi l’équité comme projet structurant. Pourquoi ce choix sémantique ?
Cela nous semblait plus juste de fonder notre communication sur l’équité plutôt que la solidarité, qui est une valeur forcément induite. Le mot est malgré tout ressorti quand nous avons travaillé avec nos adhérents. Nous avons affaire à des entreprises dont la vocation est économique ; solidarité et économie sont parfois perçus comme antagonistes, ce qui n’est pas forcément le cas.
Quels sont vos piliers ?
Bâtir ensemble, car les entreprises ont toutes un cadre commun qui est le chantier. Bâtir dans le respect, car l’acte de construire est une chaîne avec des maillons. Chacun doit comprendre les enjeux des uns et des autres, dans un contexte économique qui ajoute de la tension. Bâtir efficace, c’est-à-dire trouver des procédures et des modes opératoires meilleurs. Enfin, bâtir demain, car le secteur évolue ; il faut faire comprendre aux jeunes l’intérêt du Bâtiment, ce choix de vie et de carrière. C’est un domaine où l’ascenseur social fonctionne encore, où tous les niveaux d’enseignement sont représentés, du CAP au diplôme d’ingénieur.
Le chef d’entreprise est-il le seul objet de votre discours ?
Pas seulement. Mais dans le cas d’une entreprise à taille réduite, il est un chef d’orchestre qui doit savoir tout faire : assumer la gestion humaine, commerciale, législative… Est-ce pour autant à lui de faire le coursier sur les chantiers ? Il doit prendre de la hauteur. Nous l’aidons en créant les conditions nécessaires à sa réflexion et son organisation.
Parce qu’il est fragile par nature ?
Parce qu’il est seul par nature. Seul à arbitrer, à décider, à prendre des risques. Et il emmène souvent un bus avec lui (sourires). La fédération ne revendique pas un rôle de psychologue, elle veut juste dire à tous « ceci est votre maison, dans laquelle vous pouvez parler aussi bien collectivement que plus discrètement ».
S’extraire de l’urgence du quotidien est-il si facile ?
C’est une chose compliquée à faire entendre : une entreprise, ce n’est pas qu’une gestion quotidienne. C’est tout l’intérêt de la fédération, s’y retrouver, c’est savoir se ménager un moment hors de l’opérationnel journalier pour échanger avec des confrères, collègues et pourquoi pas concurrents. Cela mène à un autre regard, à une construction « intellectuelle » des projets.
Tous n’ont pas les mêmes attentes…
Nos 300 adhérents sont aussi bien des artisans qui travaillent seuls que des grosses entreprises très structurées. Les enjeux ne sont évidemment pas les mêmes. Il faut trouver les dénominateurs communs, amener une réponse adaptée à la taille de l’entreprise. Dans une même journée, la FFB21 peut aborder la question d’un accès à un marché dématérialisé pour une TPE, gérer un problème de concours bancaire pour une entreprise de taille intermédiaire ou mobiliser des appuis politiques pour un grand groupe… Cela nécessite la même qualité d’écoute et d’analyse, et donc une certaine agilité.
La FFB a-t-elle la prétention de tout savoir ?
Bien sûr que non. Nous n’avons pas de baguette magique. Nos moyens humains sont limités – nous sommes cinq au siège dijonnais à travailler pour la structure – mais il existe toujours la fédération régionale voire nationale auprès de qui nous sollicitons un appui technique, fiscal, assurantiel… Puis, le chef d’entreprise est par définition autonome et indépendant. Nous veillons à lui laisser sa liberté en lui apportant des éléments utiles à une prise de décision. C’est à lui de maîtriser son destin.
Et vous n’êtes pas dans le monde des Bisounours…
Oui, mais nous avons été agréablement surpris de la vision des adhérents. Ils avaient des attentes et les ont exprimées facilement. Certains sont plus ou moins matures dans cette démarche collective, mais tous sont amenés à se rencontrer sur un chantier en Côte-d’Or. Ce que la FFB ne voit pas toujours. Cela se fait avec plus ou moins de bienveillance et d’efficacité, mais le Bâtiment valorise naturellement les entreprises qui travaillent bien ensemble.
Il y aurait donc un sentiment d’appartenance plus puissant qu’ailleurs ?
Sans aucun doute. Il existe une grande pudeur qui fait qu’on le verbalise rarement. Cet état d’esprit est fondateur de Bâtissons équitable : le secteur est une affaire de passionnés, avec des tempéraments forts qui font de la FFB21 un groupe vivant. Être au cœur de tout ça, dans cette puissance que nous ressentons tous, c’est montrer que le Bâtiment se solidarise, avec patience et pédagogie.
Le contexte économique est-il plus fort que tout ?
À la fin du mois, il faut payer les factures et les salaires. Ces préoccupations ont de quoi remettre le nez dans le guidon. Mais se plaindre en permanence ne fait pas avancer les choses. Nous voulons avoir une communication positive du Bâtiment. C’est là où la solidarité joue : les dirigeants qui expriment leur projet entrepreneurial, leur vision des choses, contaminent les autres. Puis, ce qui nous lie, c’est un écosystème local. La Côte-d’Or, c’est plus de 2000 entreprises du Bâtiment et quelque 10 000 emplois non délocalisables. Il y a de quoi être fier de notre place dans l’économie locale.
La jeunesse, justement, a-t-elle des raisons d’en être fière ?
C’est beaucoup plus le cas aujourd’hui. Elle est généralement très réceptive aux interactions. Je remarque qu’elle est en attente d’authenticité et de témoignages. L’authenticité, c’est reconnecter l’endroit dans lequel on vit aux gens qui l’ont constitué. Il faut encore lutter contre les mauvais messages qui ont été passés et les équations caricaturales du genre « emploi dans le Bâtiment = avoir raté ses études ».
La solidarité, c’est aussi donner les mêmes chances à tout le monde…
C’est ce qui est très fort dans le Bâtiment. Peu importe le niveau d’accès, on a toujours une évolution possible et son rôle à jouer dans la chaîne. Il ne peut pas y avoir de maillon faible. Qu’on empile des agglos ou qu’on réfléchisse en 3D sur un écran, chacun est légitime et nécessaire pour qu’une famille ait un toit au-dessus de sa tête et puisse construire son histoire. C’est aussi ce qu’il faut dire aux jeunes. Être solidaire, être équitable, c’est aussi travailler à ce que chacun trouve sa place.