Philippe Butet est son côté docteur Jekyll, Filansen son mister Hyde. Un micro, une guitare, un chapeau, et le professeur du lycée dijonnais Saint-Joseph se transforme en chanteur-compositeur. Son quatrième opus Issue de secours sorti le 12 mai dernier, l’occasion était belle d’en savoir plus sur cette double vie. Et de constater que du bac aux bacs, il n’y a finalement qu’une petite note.
Par Alexis Cappellaro
Pour Dijon-Beaune Mag #65
Photos : Christophe Remondière
« Ben, il fait quoi ? » Un photographe en pleine action entre les murs de « Saint-Jo » étonne un peu. On entend un murmure : « C’est pour monsieur Butet, je crois ». Bien vu. Par ici, le côté mister Hyde du professeur de français et d’histoire-géo n’est pas un mystère. Philippe Butet alias Filansen, 36 ans, balade sa variété française depuis une douzaine d’années. Après Errer au hasard (2005), Quelques instants (2008) et Petits bouts de moi (2014), le Dijonnais est revenu dans les bacs le 12 mai.
Acrostiches
Issue de secours, pressé à 1 000 exemplaires – « un bon quart a été écoulé pour l’instant » – a été écrit en acrostiches. N’y voyez pas un toc de prof étriqué, mais plutôt une « forme poétique » selon laquelle la première lettre de chaque vers forme un mot verticalement dans chaque strophe. Et un clin d’œil à sa vocation : « J’ai voulu être professeur de français très tôt, en quatrième, grâce à une prof marquante. » Enseignant dans ce lycée professionnel depuis une quinzaine d’années, il s’occupe plus particulièrement de 3e prépa pro et 4e découverte. « Une tranche d’âge encore très spontanée », ce qui laisse de la souplesse pour « construire des projets, en proposant des choses différentes qui vont intriguer ». Par exemple, la création d’un court-métrage, l’écriture de chansons en lien avec l’étude de poésies… « Le but est d’avoir une production. »
Clavier 49 touches
Il nous voit arriver à des kilomètres et nous devance : Philippe Butet et Filansen s’entraident. Même s’il revendique un côté « plus linguiste que littéraire », notre docteur Jekyll concède volontiers que ses études de lettres ont favorisé ce goût pour la composition. Inversement, mener à bien des projets en classe sert sa vie d’artiste, « notamment dans la communication ». Après tout, « la classe est aussi une mise en scène. Des gens nous regardent et nous écoutent – ou pas – et l’on se met d’une certaine manière à nu en s’appropriant un cours et en le restituant. » De sa passion, il en parle à ses élèves avec une empathie naturelle, « quand on (lui) demande, sans faire de promo ou copain-copain ».
Celui qui a joué devant plus de 500 personnes pour l’inauguration de son nouvel opus, vit sa passion plutôt discrètement. Il se voit encore découvrir la musique en vrai autodidacte, le souvenir enfantin de ce « clavier 49 touches » encore chaud. « C’était un truc très pédagogique. J’ai tout décortiqué et appris les accords à l’oreille ». Influencé par Jean-Jacques Goldman, Francis Cabrel et autre Gérald de Palmas, il s’amusait à couvrir leur voix, « souvent en les imitant pour mieux coller à l’interprétation ». Depuis, Filansen a trouvé son identité. D’abord au sein du groupe éponyme, puis jusqu’à assumer seul la paternité de la « bande d’amis » qui l’accompagne depuis sept ans.
Le bon sens
La sortie de son quatrième album et sa notoriété naissante lui donnent « encore envie de grandir, et de (se) produire en dehors de la Bourgogne ». Sans pour autant mettre ses élèves entre parenthèses. « D’abord parce que j’aime ce métier, et parce qu’il garantit une sécurité. » On lui parle des télécrochets à la The Voice. Il tempère. « Ceux qui réussissent se comptent sur les doigts d’une main. Je ne suis pas contre le concept, mais cette visibilité éphémère, où tout peut très vite retomber, est très violente ». Pour Filansen, la recette est en fait celle du bon sens : trouver l’équilibre (« même si ce n’est pas toujours facile, surtout pendant la sortie de l’album ») sans se prendre pour un autre. Issue de secours raconte un peu de cela : la recherche d’un échappatoire, notamment à travers la musique et les arts. Tout cela n’est pas innocent. Il rappelle le cas, pas si étrange au final, du professeur Butet.