Nuiton-Beaunoy, la seule cave coopérative de Côte-d’Or, a un nouveau président. Florent Baillard, 52 ans, partage sa vie d’agriculteur entre le cassis et le raisin dans le Pays beaunois. Il connait le système par cœur et défend l’évidence d’être plus forts ensemble.
Il sort tout juste la tête des cassis. En juillet, de jour comme de nuit, Florent Baillard et son équipe récoltent les précieuses baies dans la plaine de Beaune. Installé à Merceuil, ce chef d’entreprise a toujours connu un fonctionnement en coopérative. Il préside à ce titre Socofruits Bourgogne, qui regroupe une quarantaine d’exploitants allant du bassin lyonnais jusqu’à Troyes. Soit environ un tiers de la production française.
En sécurisant des contrats avec les liquoristes régionaux dès les années 80, son père Alfred fut à l’initiative du premier regroupement de producteurs. La récolte se faisait alors à la main, pendant un bon mois. « Chez nous, on était 70 gamins, ça durait le temps du Tour de France ! » Une autre époque.
D’où l’importance de la vigne
Florent n’a pas vraiment été encouragé à reprendre l’affaire familiale. Il a mené une première vie dans le commerce, après des études à Reims et Paris, avant un retour au pays pour reprendre ce qu’il restait de l’entreprise familiale et reconstituer patiemment un patrimoine : du cassis (65 ha en fruits pour les liquoristes, 10 ha en bourgeons pour la parfumerie) et une douzaine d’hectares de vignes principalement en appellations régionales, sur des villages de la Côte de Beaune.
Confiés à Nuiton-Beaunoy, les raisins servent pour l’essentiel à l’élaboration du crémant de Bourgogne sous la marque Victorine de Chastenay. L’exploitation compte cinq salariés dont le fiston Baptiste, tout juste revenu au bercail (ça ne vous rappelle rien ?).
Cette configuration est assez représentative de la situation des adhérents de Nuiton-Beaunoy. Dans un contexte de polyculture, la vigne n’est pas toujours l’activité principale. Mais elle fait du bien au bilan. Florent s’est très vite tourné vers la seule cave coopérative de Côte-d’Or : « Il existe tellement de métiers dans notre métier qu’il faut faire des choix de gestion. Prendre soin des vignes est une chose, commercialiser des bouteilles en est une autre. Le collectif apporte de la sérénité. » CQFD.
« Les bonnes personnes au bon endroit »
L’homme se reconnait bien dans la philosophie de Nuiton-Beaunoy. Née en 1957 dans les Hautes-Côtes de Beaune, la cave regroupe 80 adhérents et organise sa vie autour d’une vingtaine de salariés. 350 ha de vignes composent son patrimoine, de l’appellation régionale au grand cru en passant par le crémant.
Tous ses acteurs sont liés par une charte Vignerons Engagés et suivent un cahier des charges drastique au service de l’environnement. Le circuit local représente 70 % du marché. L’entreprise est solide, « avec les bonnes personnes au bon endroit ».
Depuis mai, Florent a officiellement succédé à Sébastien Hudelot. Président de Nuiton-Beaunoy depuis 2019, le vigneron d’Arcenant souhaitait passer la main dans de bonnes conditions. Avec Benjamin Pidet et Benoit Clément, il demeure vice-président du bureau. Un conseil d’administration composé d’une quinzaine de personnes veille également au grain. La coopérative est l’affaire de chacun, suivant la règle du « un homme, une voix ». Ce fonctionnement sécurisé permet de mener à bien de nombreux projets en groupes de travail. Ce fut le cas pour la gamme Cerço, modèle d’éco-conception qui se dirige vers un recyclage via système de consigne.
L’ambition haute-couture
Florent Baillard sent bien la direction à prendre. « Avec plus de 1 400 parcelles identifiées, notre potentiel est énorme et les Hautes-Côtes représentent l’avenir de la viticulture », estime-t-il, convaincu que l’entité qu’il préside « a les moyens de faire de la haute couture ». La cave va d’ailleurs investir dans un outil à la hauteur. Dans le vaste pays des coopératives, sa relative petite taille lui autorise une agilité et « un travail ciselé ».
En fin d’année, Nuiton-Beaunoy a ainsi voté la réfection complète de sa cuverie béton historique, installée route de Pommard à Beaune. Suivra le démantèlement des cuves inox de 2 000 hectolitres au profit de modèles de 150 hectolitres. « Nous n’allons pas devenir un micro-négoce pour autant, mais la quête de qualité passe par là », argumente le président.
La dynamique est séduisante : « Les exploitations sont en plein renouvellement générationnel, il nous faut un discours attractif et innovant auprès de jeunes qui arrivent bien souvent avec un bagage solide. »
Florent sait ce que signifie s’engager avec et pour les autres. Alors que la guerre en Ukraine plongeait le monde dans la sidération, il a organisé une remarquable chaine de solidarité et s’est rendu lui-même en Pologne pour livrer un camion chargé à ras bord, embarquant dans l’opération la famille Nuiton-Beaunoy. Voilà ce qui s’appelle sortir la tête de son rang. Fut-il de cassis ou de vignes.