Meilleur Apprenti de France en pâtisserie, cuisinier émérite, ex-roi des œufs en meurette, Florent Colombo fait aujourd’hui sa réputation autour d’un superbe jambon persillé. Avec lui, tout juste débarqués à l’École des Métiers Dijon Métropole, quelques apprentis bouchers et charcutiers ont pu apprécier tout le génie créatif qui entoure ce standard de la gastronomie bourguignonne.
Florent Colombo est à la cuisine ce qu’un sénateur de la Troisième République est à l’État. Il a des rondeurs, de la bienveillance et de la gourmandise, le verbe camarade et un enthousiasme indémontable. C’est un cuisinier comme on en fait plus, tombé tout petit dans la gamelle de l’Étoile, où ses parents régalaient le tout Dijon. Drôle d’époque où le politiquement correct ne faisait pas partie du menu. Où la table se consommait avec des calories accrochées à la fourchette.
Roi des œufs… et du persillé
Le cuisinier est communicatif, inspiré. Il aime le monde, la convivialité et ne recule jamais devant « un petit rafraîchissement ». Avant de « pianoter » chez Lucas Carton et Taillevent, il a été apprenti. Pas seulement en cuisine, où il excelle on vient de le dire, mais en pâtisserie, discipline dans laquelle on le couronna… MAF, Meilleur Apprenti de France. C’était à La Noue, il y a fort longtemps. Revenir à l’École des Métiers Dijon Métropole a pour lui les parfums d’un retour à la case départ.
Le sieur Colombo a quelques médailles sur son plastron. Elles ont des couleurs bourguignonnes et dijonnaises. Il a ainsi imposé le Darcy, une délicieuse pâtisserie imaginée en hommage à l’ingénieur qui a fait de Dijon une pionnière dans la gestion de l’eau. Il a été longtemps le roi des œufs en meurette sur la foire gastronomique, allant même jusqu’à se frotter aux meilleurs lors du championnat du monde organisé au château du Clos de Vougeot. Avec sa nouvelle boutique sous les halles, on peut dire qu’il est devenu une star du jambon persillé, autre spécialité locale.
8 litres de blanc, 40 d’eau
À dire vrai, pour qui aime ce genre de chose, son persillé est une tuerie. L’idée de confronter sur ce terrain l’ancien meilleur apprenti de La Noue aux nouvelles recrues de l’École des Métiers a semblé aussi naturelle que le grognement d’un cochon dans une porcherie. Bien préparés à la rencontre par leur professeur Sylvain Cugnet, les futurs bouchers et charcutiers de la place bourguignonne en ont pour leur grade. Gabin, Raphaël, Maxime, Aurélien, Bryan et Etienne sont à l’aube de leur vie professionnelle, tout les inspire.
Cette master-class les propulse au-delà d’une vision simpliste d’un métier. Le cursus scolaire, l’apprentissage, c’est bien normal, les fait voyager sur les rives généralistes et techniques. Avec Florent Colombo, ils sortent de leur ligne toute tracée pour emprunter la voie de l’identité régionale. Grâce au jambon persillé, on part à la quête des saveurs qui font la singularité d’un terroir parmi les plus riches, la Bourgogne. Florent Colombo ne se laisse d’ailleurs pas impressionner par son nouveau fan club : « Pour moi, la base, c’est jambon et épaule, moitié-moitié ! Puis 8 litres de vin blanc pour 40 litres d’eau. » En effet, le jambon de Pâques, nom historique du persillé, commence sa carrière dans un bouillon vineux.
Un défilé de beauté
Poireaux, oignons et carottes sont roussis à la plaque. À leur tour, ils enivrent la bête. Baies roses, poivre noir et poivre de Sichuan l’excitent. Les pieds de veau viennent en soutien pour la gélatine. Un peu de couenne consolide le capital séduction de l’appareil. 5 ou 6 heures de cuisson auront suffi à poser les bases de l’une des spécialités bourguignonnes parmi les plus magiques.
Selon les faiseurs, la méthode varie. Ce qui fait tout le charme de ces jambons persillés qui se distinguent d’un étal à un autre, au point qu’on reconnait la signature des meilleurs d’entre eux. Celui de Florent Colombo est de cet acabit. L’espace d’un instant, les apprentis le ressentent en observant le cuisinier disposer précaution- neusement ses morceaux de viande. Il les aligne les uns à côté des autres, bien rangés, comme s’ils se présentent à un défilé de beauté. Rien n’est le fait du hasard. « Je croyais qu’il suffisait de mélanger tout ça », se risque à dire l’un d’entre eux. Ben non, petit gars ! Ce genre de détail, justement, contribue beaucoup à la texture du persillé. Des petits secrets tu n’as pas fini d’en apprendre. Tu en créeras toi-même, c’est tout le mal qu’on te souhaite.
Le temps d’un « petit rafraichissement » partagé avec un autre MAF de l’École, le cuisinier Colombo reprend son chemin. Il a une idée de sa façon à lui de sublimer L’élément symbolique du patrimoine culinaire bourguignon qu’est le jambon persillé. Cette fois c’est décidé, il participera à des concours au plus haut niveau. Compétiteur un jour compétiteur toujours ! Un exemple à suivre pour les apprentis. Cochon qui s’en dédit.