En présentant à Bordeaux le premier parking démontable et le plus grand ensemble bois de France, Forestarius a pris pied dans une filière très prometteuse. La SAS bourguignonne, composée d’acteurs régionaux et complémentaires du bâtiment, agit en précurseur. Très confiant, son président Thierry Coursin, touche du bois pour l’avenir…
Par Dominique Bruillot
Pour Dijon Capitale #3
Woodrise est au bois et à Bordeaux ce que le Mipim est à l’immobilier et à Cannes. Dans une ville où le maire Alain Juppé a imposé à sa collectivité un quota de construction en bois de 30 % pour les années à venir, ce salon hyper professionnel draine des spécialistes de haut niveau venus du monde entier. En septembre 2017, on en espérait 600 ou 700, il y en eut près de 1 500. Comme si, tout d’un coup, nos arbres avaient vraiment renoué avec la chaleur de nos foyers et bureaux du futur. Le bois, c’est sûr, a le vent en poupe.
Forestarius est née pour cela. Cette SAS regroupe, aux côtés de l’aménageur SEM (Société Est Métropoles) et de sa holding LCDP, une banque (la Caisse d’Épargne de Bourgogne-Franche-Comté), un cabinet d’architectes de Seine-Saint-Denis (Graam), un groupe familial régional du BTP (Roger Martin) et un spécialiste dijonnais des ouvertures (Pacotte et Mignotte). Une complémentarité parfaite qui place les bases d’un ambitieux programme de constructions et du réveil d’une prometteuse filière.
Moins de charges
En terres bordelaises, les Bourguignons ont ainsi produit leur effet. Grâce, déjà, à la présentation, pour la première fois, du pavillon de démonstration Woodstock. Ce pavillon n’est pas imposant par ses volumes, mais il est un jeu de construction à taille humaine, au regard duquel chacun peut apprécier, en toute simplicité, la subtile histoire du bois dans l’architecture. Il sera remonté et exposé plus tard, dans le quartier Heudelet à Dijon, à proximité du futur immeuble de bureaux Ecopolis (2 267 m2, six étages, livraison fin 2019), projet porté par la SEM, qui fut elle-même lauréate de l’appel à manifestation d’intérêt (Ami) organisé par l’Association pour le développement des immeubles à vivre bois (ADIVbois).
« Ainsi avons-nous élaboré notre propos, avec la volonté de ne verser ni dans le chef-d’œuvre ni dans la charpente traditionnelle », prévient Forestarius. Thierry Coursin, président de la SAS, savoure les premiers échos de son expédition dans le Sud-Ouest. Il est notamment venu avec deux belles maquettes dans ses cartons, celles du futur siège de la Caisse d’Épargne et du parking démontable de 550 places qui verront le jour au parc Valmy-Dijon. Elles ont fait le job.
60 milliards d’euros
Il est vrai que l’on évoque ici le plus gros chantier de construction en bois français. Ni plus, ni moins. « On s’est même aperçu qu’on avait un temps d’avance », jubile l’aménageur, bien conscient de naviguer dans le sens du vent puisque, selon lui, « la présence du bois dans le bâtiment va passer de 1 à 12 % d’ici trois ans » ! L’économie du bois, c’est aussi 60 milliards d’euros, soit à peu de choses près autant que l’agroalimentaire.
Bordeaux donne l’exemple, la plupart des collectivités suivront. Dijon Métropole s’en inspire pour activer opportunément son expertise dans la recherche et le développement. Indirectement, c’est le douglas morvandiau qui en profitera. Il est fortement adapté à ce marché émergent qui aura vite des répercussions sur l’exploitation forestière dans son ensemble. La Bourgogne-Franche-Comté, tout comme l’Est de la France, plutôt bien fournis en la matière, sont sur les starting-blocks.
En filigrane, se pose la question de l’art de vivre. Autrefois, on coupait du bois pour se chauffer, demain, on va le remettre en scène dans notre quotidien. Mais sommes-nous prêts à cela ? « C’est un problème franco-français, qui sera dépassé », analyse Thierry Coursin. Avec une forêt d’arguments à la clé, au premier rang desquels, le plus sensible d’entre tous : le prix. Car « pour un constructeur indépendant comme nous, le bois est moins cher ; dans le béton, à lui seul, le coût des brevets représente par exemple 15 % du budget global. »
Plus de CO2
Au plan écologique, on peut aussi avancer que la forêt se régénère contrairement à la pierre qui laisse des cicatrices dans le paysage. Et puis, ce bois est joyeusement vivant. Réagissant à la lumière et au temps, il impose des choix personnels et suscite une empathie naturelle.
« Nous ne sommes pas au pays des Bisounours », prévient toutefois Thierry Coursin, « si le bois génère un comportement différent dans l’habitat il n’est pas pour autant nécessaire de devenir des ayatollahs de son utilisation. » À l’attention de celles et ceux qui convoqueraient le spectre de la déforestation, l’homme ne manque pas non plus d’évoquer « la pente actuelle qui ne favorise pas le patrimoine forestier, alors que ce bois utilisé dans la construction préserve le CO2 et évite le déchet ». Après tout, la France n’est pas la forêt amazonienne cisaillée par d’invraisemblables autoroutes assassines pour l’homme et son environnement, l’ONF et la CDC (Caisse des dépôts et consignations), en grandes gestionnaire et propriétaire, veillent sur la préservation durable de ce précieux patrimoine national.
Forestarius a donc du pain sur la planche et s’entoure, pour bien faire, de précieux conseillers, à l’image du professeur Wolfgang Winter, une sommité du bois. Signe d’une fébrilité positive, une dizaine de dossiers s’entassent déjà sur le bureau de Thierry Coursin, parmi lesquels, outre le siège de l’Écureuil et le fameux parking silo, un motel prêt-à-monter pour une grande chaîne hôtelière. Autant dire que les Bourguignons feront feu de tout bois dans les années à venir.