Arrivé en retard au château du Clos de Vougeot mais pas les mains vides, François Hollande a promis un accompagnement de l’Etat au process de développement engagé par les climats. Finissant par un bon verre de clos vougeot et un ban bourguignon en son honneur, le chef de l’Etat a vécu une étape « agriculturelle » plus distrayante que sa rencontre du matin avec les éleveurs.
Par Dominique Bruillot
Le château du Clos de Vougeot étant placé au terme de sa virée bourguignonne, il semblait difficile d’échapper au jet lag agricole d’un Président de la République devant avant tout faire face aux manifestations des éleveurs. D’entrée de jeu, on savait que le chef de l’Etat ne fera qu’un court passage, histoire de rattraper un peu du temps perdu.
Mais quand autant de beau monde patiente dans l’enceinte d’un château à attendre François Hollande, que fait-il? Eh bien, il discute, savoure quelques brioches et boit des jus d’orange, ce qui semble plutôt insolite ici. Dans la cour, tournant en rond comme les prisonniers d’un pénitencier (toutes proportions gardées), on retrouve: des élus régionaux en ordre dispersé, des membres de la confrérie des chevaliers du Tastevin le cordon fièrement ajusté, des journalistes qui ont fait l’impasse sur les premières étapes de la journée présidentielle, des présidents de syndicats patronaux faisant mine de ne pas se voir, des présidents de chambres de commerce et d’autres chambres professionnelles, des présidents de tout et de rien et quelques hauts fonctionnaires.
Une activité « agriculturelle »
Ce genre de cérémonie fonctionne un peu comme une grande réunion œcuménique à l’issue de laquelle chacun sait qu’il n’en retirera rien, mais qu’il ne faut surtout pas rater. Enfin, avec près d’une heure de retard sur l’horaire initial, débarque d’un bus une nuée de journalistes et photographes, majoritairement agacés par les temps d’attente subis pour obtenir leur accréditation dès potron-minet, ce qui est souvent trop tôt pour un journaliste.
Dure la vie d’artiste. Surtout quand on court après un événement aussi protocolaire donc potentiellement ennuyeux et vide de scoops. La grosse affaire du jour, celle dont tout le monde parle, c’est l’élevage. De plus, baladés comme des moutons de panurge, les journalistes évoluent un peu aux ordres du service presse. C’est la loi du genre. « Je vais plus m’amuser ce soir à Chalon dans la rue », confie dépitée une caméraman de la télé régionale. On veut bien la croire.
Cela dit, il est un peu moins de midi quand François Hollande sort de sa voiture officielle et salue devant l’entrée du château le grand maître de la Confrérie des chevaliers du Tastevin, Vincent Barbier et l’homme des Climats de Bourgogne, Aubert de Villaine. Miracle d’un dossier porté par le consensus, les climats favorisent aussi en ce jour la cohabitation entre élus de droite et de gauche, avec une courtoisie qui force le respect.
Face à l’autorité de la Nation, on se doit de jouer en équipe soudée.
« L’Etat va vous accompagner »
« Nous parlons d’une activité agriculturelle », précise Aubert de Villaine, au moment des discours, après avoir longuement évoqué ce qui fait la singularité du nouveau « bien » inscrit au patrimoine de l’humanité: un assemblage fragile entre la terre, l’homme et une certaine philosophie de la production viticole.
« Je voudrais dire la fierté de notre nation d’avoir vu l’Unesco inscrire les deux vignobles de Bourgogne et Champagne sans qu’il y ait de concurrence entre les deux projets », souligne en retour le chef de l’Etat, littéralement soudé à son ministre du Travail et « régional de l’étape » François Rebsamen.
François Hollande évoque ensuite les vertus de la patience, de l’obstination et de la gestion du temps qui finit par payer: « Dix ans à l’échelle humaine c’est beaucoup, mais ça n’est rien à l’échelle de ce que nous voulons léguer. »
Un président de la République ne voyage jamais seul. Avec lui, en ce jour de grâce, un directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et un président de la Banque publique d’investissement (BPI). Une façon de délivrer un message clair à l’attention de celles et ceux qui n’en attendaient pas moins: « Grâce à l’Unesco, vous verrez arriver des touristes et des acteurs économiques; vous devrez maîtriser cette situation, encourager les initiatives. L’Etat est avec vous pour accompagner ce beau processus. »
C’est ce qui s’appelle une promesse.
Après avoir signé le livre d’or du château et dégusté comme il se doit un remarquable clos vougeot tasteviné, François Hollande est tout naturellement remercié pour ses débuts de promesses par un vigoureux ban bourguignon général. Ban auquel il sera le seul à échapper… fonction et réseaux sociaux obligent.