Du 27 au 29 septembre, Arceau et Saint-Julien accueillent le congrès national des maires ruraux. Dans ce contexte, nous avons interrogé François Rebsamen. Le maire de Dijon et président de Dijon métropole a une vision assumée des équilibres territoriaux et de la gestion d’une collectivité.
La métropole que vous présidez concentre la moitié des habitants de la Côte-d’Or. Elle se présente comme « à la fois urbaine et rurale ». Pouvez-vous expliquer ?
François Rebsamen : Notre réalité est à la fois urbaine et rurale. Tous les maires qui œuvrent sans exception à la cohésion de notre communauté de destin sont fiers de promouvoir une identité à la fois urbaine et rurale, qui séduit de plus en plus de ménages pressés de quitter Paris par exemple. Outre le conseil métropolitain, il y a un dialogue direct et constant entre les maires, notamment autour de la conférence des maires qui se réunit régulièrement. Elle a un rôle très important pour faire vivre la solidarité, sans oublier la convivialité entre les élus.
Vous proposez même de dépasser ce clivage urbain/rural via notamment un « atlas des territoires »…
En 2020, le géographe Martin Vannier, spécialiste des transformations territoriales de la France et des politiques publiques afférentes, a réalisé à ma demande ce travail de conception d’un atlas des territoires. L’objet était d’identifier les enjeux à travers lesquels l’espace de solidarité organique qu’est l’aire urbaine de Dijon pourrait devenir un espace de solidarité politique. C’est à dire un système d’acteurs territoriaux décidés à tirer le meilleur parti des interdépendances entre les différentes intercommunalités de notre aire urbaine : les mobilités, l’accès aux soins, le vieillissement et la dépendance, l’eau, le traitement des déchets, la transition énergétique, le développement économique, le tourisme, la couverture numérique, l’enseignement supérieur. Ce travail avait été présenté fin 2021 à l’ensemble des élus municipaux de la métropole et aux présidents des intercommunalités que j’avais invités pour l’occasion.
Vous êtes l’interlocuteur du maire de Chenôve (14 000 habitants) comme de Flavignerot (213 habitants). Comment gérer ce grand écart ?
Ce qui nous lie, entre communes urbaines et communes rurales, à l’intérieur de la métropole, c’est notre projet. Nos 23 communes et leurs maires en particulier sont unis dans une même communauté de destin et par un même esprit de solidarité. Chacune possède bien sûr ses propres atouts, et bénéficie d’une offre de services et de mutualisations qui permettent de réaliser des économies. Nous sommes une métropole d’équilibre avec une forte cohésion entre les communes qui la composent.
Vous n’aimez pas beaucoup la réforme territoriale et la fusion des régions. Partant de ce constat, l’échelon communal est-il à vos yeux le « socle de la France » ?
Je ne suis en effet pas convaincu de la réussite de cette réforme, je n’ai jamais manqué de le faire savoir… Depuis la Révolution française, la commune est la plus petite unité administrative française. Les Français y sont très attachés. Elle constitue l’échelon de proximité par excellence. Les communes reflètent la diversité géographique, culturelle et économique du pays. Qu’elles soient urbaines ou rurales, elles jouent un rôle crucial dans la vie de leurs habitants. Pour autant, aucune commune, quelle que soit sa taille, ne peut plus agir seule dans sa mission de service public. Tous les élus savent que l’échelon intercommunal démultiplie les forces et représente l’échelle pertinente pour beaucoup de politiques et de projets, au bénéfice des habitants.
Quel enjeu, s’il ne devait en rester qu’un, urbain et rural doivent-ils partager en priorité ?
La transition écologique est vraiment un enjeu crucial, avec la décarbonation de l’énergie. Mais pas à n’importe quelle condition. L’aspect social est majeur, en particulier pour les populations dont les revenus sont les plus modestes. Assumer le coût de la rénovation thermique de son logement, acheter une voiture électrique ou consommer bio reste impossible pour certains de nos concitoyens. On ne peut pas jouer la transition écologique les uns contre les autres. Les trois secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre sont les transports, l’alimentation et le logement. Dijon Métropole développe en outre des actions novatrices en faveur de la biodiversité et de la protection de la nature. Nos investissements en faveur de la préservation des ressources en eau sont également très importants pour le lien entre urbain et rural, puisque nous desservons sept syndicats.
Dijon métropole s’est dotée d’une unité de méthanisation. La question est d’actualité dans nos champs. Est-ce l’avenir des villes et des campagnes ?
Dijon métropole mène des projets ambitieux pour réduire ses émissions de CO². L’un de ses objectifs prioritaires est de produire suffisamment d’énergie renouvelable pour couvrir près de 70 % de nos besoins à l’horizon 2050. La neutralité carbone est un objectif impératif et l’échelon local est majeur. Le défi de la transition écologique est la colonne vertébrale de notre projet métropolitain. En développant par exemple son réseau de chaleur urbain, le troisième plus important de France (110 km), nous avons fait le choix des énergies renouvelables, pour limiter les recours aux sources fossiles. C’est aussi un choix qui limite la facture énergétique.
L’enjeu viti-vinicole est désormais une évidence pour la métropole. Les Climats de Bourgogne jouent-ils un rôle dans le dialogue territorial ?
Les Climats du vignoble de Bourgogne, c’est le fruit d’une initiative que j’ai prise en 2002, accompagné de mon adjoint en charge du patrimoine, du maire de Beaune et d’Aubert de Villaine du domaine de la Romanée-Conti. Ensemble, avec toutes les communes, petites, moyennes et grandes, nous avons créé en 2007 l’association des Climats du vignoble de Bourgogne pour élaborer le dossier de candidature. Les Climats, c’est la juste reconnaissance d’un impressionnant travail territorial collectif qui unit 40 villes et villages. C’est la première fois qu’un vignoble est reconnu, protégé et valorisé, non pas pour son « esthétique » originelle, mais pour sa complexité, sa typicité, ses valeurs culturelles mais aussi sa capacité à fédérer des communes rurales et des grandes agglomérations.
Sur un plan plus personnel, on vous a parfois mené une forme de « procès en urbanité ». Maire, président de métropole, sénateur, ministre du Travail : en quoi ces mandats ont-ils nourri votre culture des équilibres territoriaux ?
Quelle que soit la taille de la commune, le mandat de maire est selon moi le plus exigeant et le plus passionnant. C’est le mandat de l’action et de la proximité. Si les habitants restent majoritairement très attachés à leur maire, c’est aussi le mandat où l’on est le plus exposé. Je n’oublie pas que j’ai présidé l’association des maires de Côte d’Or de 2002 à 2014, dont j’ai passé la main à Ludovic Rochette lorsque j’ai été nommé ministre. Je reste d’ailleurs président délégué. Je connais ainsi toutes les communes de Côte-d’Or, que j’ai visitées à de nombreuses reprises. Je salue également le président de l’association des maires ruraux, Bruno Bethenod, avec lequel je suis en lien étroit. Le mandat de sénateur, dont le rôle est notamment d’examiner en premier lieu, avant l’Assemblée nationale, les projets de loi relatifs à l’organisation des collectivités territoriales, a très largement nourri ma culture des équilibres territoriaux. Couplé au mandat de maire, il participe selon moi au renforcement de l’ancrage territorial des parlementaires, qui manque aujourd’hui à beaucoup d’élus. C’est l’un des méfaits de l’interdiction du cumul des mandats. Enfin, en tant que ministre, j’ai participé à porter les problématiques des communes et intercommunalité de la Côte-d’Or. Aujourd’hui, je suis navré de constater le très grand nombre de ministres n’ayant aucune expérience de la gestion d’une collectivité locale. Dans un contexte inédit lié à la situation politique nationale, le pays peut heureusement compter sur ses élus locaux.