Politique et art de vivre. L’homme politique choisit son restaurant, on l’invite. A chaque plat, son sujet. François-Xavier Dugourd inaugure « l’interview entre la poire et le fromage ». Au menu servi au Coin caché à Dijon: Orvitis, les régionales, le Département et même un peu de souvenirs de la BA102.
Par Dominique Bruillot
Mise en bouche : un peu de morteau avec des lentilles
Le Coin caché, comme son nom l’indique, se niche à l’angle de la rue de Jouvence et de la place Barbe à Dijon, à l’abri des regards indiscrets. Son accueillante pergola ouvre sur une petite salle souvent bondée, témoin du succès de l’établissement tenu par Sandrine Mussot en salle et Gilles Magnien en cuisine qui, on se doit de le préciser, ne sont pas un couple à la ville.
Alors pourquoi ce choix? François-Xavier Dugourd répond: « C’est un vrai restaurant de quartier, sur une vraie place de quartier, avec des commerçants indépendants, avec une des plus jolies terrasses de Dijon et une cuisine simple, familiale et authentique proposée par des gens sympas. » Affuté comme un coureur de fond qu’il est à ses heures, l’homme aime donc ce qui rassure.
Dans le même temps, la saucisse de Morteau invite un peu de Franche-Comté à la table. Par les temps qui courent, cela ne peut pas nuire.
Entrée : mousse de fromage frais et jambon fumé
Voilà qu’on nous sort de la cave un côtes de nuits village rouge 2012 de chez Gaston et Pierre Ravault. Réaction immédiate: « Ça tombe bien, j’aime le vin jeune. » Une mousse de fromage frais avec du jambon fumé reçoit aussi notre approbation. Simple, sans prétention, frais en bouche. Mais si nous parlions maintenant d’Orvitis, dont François-Xavier Dugourd vient de prendre la présidence ?
« Un bonheur, cette responsabilité, un sujet fondamental pour le territoire et ses habitants. Orvitis est le premier bailleur du département [ndlr : plus de 12 000 logements], un office hyper bien géré avec une équipe formidable à sa tête. »
Ok, mais pour quoi faire? « L’intérêt de notre mission c’est l’évolution du logement, la gestion des problématiques inter générationnelles, de ces familles qui éclatent. Ce gros dossier repose sur une histoire dont les grandes lignes ont été heureusement bien tracées par mon prédécesseur Joël Abbey. » Orvitis a donc bien les moyens de ses ambitions, avec d’importantes capacités d’amortissement, y compris sur le terreau urbain qui est par ailleurs celui de Dijon Habitat. Près de 80 millions d’euros sont injectés chaque année dans la construction, donc 95 % profitent directement à des entreprises locales. François-Xavier Dugourd s’en réjouit visiblement.
La recette de cette apparente sérénité? « Nous sommes très attentifs à l’entretien des bâtiments, aux soins qu’il faut apporter aux halls d’immeubles, au cadre de vie de nos locataires. Brasser les âges, repousser l’échéance de la maison de retraite, recréer des liens, c’est cela la solution. »
Plat de résistance : pavé de merlu, légumes couscous et merguez
Du poisson à l’orientale dans un « coin caché » de la Bourgogne, la proposition est originale. « C’est une alliance pittoresque et ça me va bien », constate notre invité. Une alliance pittoresque comme les régionales? « Cette réforme a été faite sur un coin de table pour des ambitions politiques, je l’ai toujours dit, même si en ce qui concerne la Bourgogne/Franche-Comté, les acteurs économiques ont devancé les politiques depuis longtemps. Une France coupée en 5 ou 6 grandes régions aurait été beaucoup plus efficace! »
Prudence oblige, pas question de devancer l’issue de la campagne des régionales dont François Sauvadet est le favori. Le premier vice-président du Département de la Côte-d’Or assure donner la priorité à son mandat actuel et à son canton. Tout en se souvenant que « la région est une collectivité qui a de grandes compétences, complémentaires de celles de l’assemblée départementale », et qu’il suit et soutient bien évidemment sont leader. Cela tombe sous le sens, en cas de victoire de son camp, FXD a en effet toutes les chances de prendre les rênes de la Côte-d’Or. « Je suis prêt », confie celui qui n’est pas encore candidat officiel à ce poste.
A-t-il pour autant abandonné toute ambition pour la Ville de Dijon? 2020 est assez loin en matière de politique et François-Xavier Dugourd évite de sortir l’artillerie lourde: « François Rebsamen a bien trompé les Dijonnais, mais son bilan n’est pas totalement négatif, même si je suis convaincu que Dijon aurait pu faire nettement mieux. » Consensuel sur certains dossiers comme celui de la Cité de la Gastronomie, on sent bien que l’heure n’est pas à la confrontation sans nuances. A chaque menu son plat de résistance.
Entre la poire et le dessert : tarte aux pommes confites et glace à la vanille
Tiens, une petite douceur qui favorise les confidences! « J’ai fait le choix du Département, mais je ne vis pas de la politique », assure l’ancien chef de cabinet de Dominique Perben et Louis de Broissia. Pas si éloigné que cela du sujet cependant, puisqu’il est actuellement formateur dans le domaine des collectivités territoriales.
On apprend alors qu’il aurait aimé être journaliste. Récompensé d’une mention à sciences po, il a raté l’oral à l’Ena. « Ce fut une chance de ma vie », conçoit aujourd’hui François-Xavier Dugourd, qui préfère se souvenir de son passage à la BA102 où, dans le cadre du service militaire, il fut le rédacteur en chef de Mach 2, la revue de la base. « Je viens d’une famille d’entrepreneurs, d’immigrés albanais aussi du côté de ma mère », rappelle enfin « FXD », comme pour se dissocier de l’image contagieuse qui colle généralement à la peau des gens de cabinet dans les hautes sphères de la République. « Je suis un provincial dans l’âme et je le resterai », martèle-t-il à l’heure des mignardises. Voilà un point sur lequel nous serons en accord.