Coréalisé par le journaliste bourguignon David Bessenay, Francs de pied, la nouvelle utopie viticole ? interroge la place de la vigne pré-phylloxérique dans la viticulture française. Un film documentaire de 70 minutes présenté au cinéma de Nuits-Saint-Georges, ce vendredi 21 mars.

Fin du XIXe siècle. Le phylloxéra ronge le vignoble français. Ce puceron ravageur venu des États-Unis fait mourir, en trois ans à peine, le moindre cep de vigne contaminé. Meursault et la côte viticole constatent l’intrus vers 1878. Inarrêtable, le phylloxéra se propage en une vingtaine d’années à travers l’Europe.
Pour reconstituer leurs vignobles, après avoir essayé toute sorte de solutions, les vignerons finissent par greffer leurs ceps sur des plants américains résistants. Le vignoble français va être reconstitué, mais il aura perdu un tiers de sa surface : il y avait en 1875 environ 2,5 millions d’hectares plantés en vigne en France. En 1903, il n’en reste que 1,7 million.
En France, le vignoble pré-phylloxérique est donc issu de ces greffes. Tout le vignoble ? Non. Il existe quelques exceptions notables, des îlots de vignes ayant résisté par on ne sait quel miracle à l’envahisseur phylloxérique.
Ces miraculés plus que centenaires sont appelés les « francs de pieds ». Certains vignerons iconoclastes et spécialistes de viticulture leur prêtent des qualités uniques, sensées reproduire le goût du vin d’antan. Vecteur de biodiversité et rempart contre l’uniformisation du goût pour les uns, simple construction marketing pour les autres : clivant, le sujet croise les champs de la science et de la philosophie.
Simple fantasme ou combat légitime ?
« À l’heure où la viticulture française avance à grands pas – pour des raisons environnementales – sur la création de cépages hybrides dits résistants (aux maladies cryptogamiques), le retour à la vigne « originelle » est-il un simple fantasme ou un combat légitime ? », s’interroge David Bessenay, dans son film documentaire Francs de pied, la nouvelle utopie viticole ?.
Journaliste spécialiste de la viticulture et de la ruralité, enfant du Beaujolais installé à Mâcon, ce professionnel respecté a fait la paire avec Jean-Pierre Vial, de la société de production Caméras Rouges, avec qui il avait déjà commis l’excellent court-métrage Défend Beaujolais. Les réalisateurs ont promené leur regard sur le sujet à travers toute la France, avant de projeter le résultat en salle dès juin 2024. Un tour de France viticole qui passera jeudi 21 mars par le cinéma de Nuits-Saint-Georges (lire encadré).

En présence des vignerons Thibault Liger-Belair et Philippe Charlopin
Thibault Liger-Belair et Philippe Charlopin seront de cette projection-débat. Convaincus des vertus des francs de pied, les deux vignerons emblématiques de la Côte de Nuits font partie du casting bourguignon du film, aux côtés de Sylvain Pellegrinelli, l’ex chef de culture du domaine Leflaive (Puligny-Montrachet) et d’Emmanuel Guillot-Broux, référence du bio en Mâconnais.
Fruit d’un travail sérieux et adogmatique, ce documentaire a récolté les témoignages de scientifiques, journalistes et sommeliers. On y retrouve quelques figures bien connues de la viticulture, souvent dans une tonalité anticonformiste qui a le mérite d’interroger les choses établies : l’étonnant greffeur de vignes Marc Birebent ; l’esprit libre du Bordelais Loïc Pasquet, papa du Liber Pater – considéré comme le vin le plus cher du monde – qui préside l’association européenne des vins francs de pied basée à Monaco, Eloïse de Sabran du domaine de Lansac en Provence, le pape des vins de Loire François Chidaine… autant de témoins pour évoquer la vigne d’aujourd’hui et de demain. À déguster sans modération, soyons francs.
🎥 Francs de pied, la nouvelle utopie viticole ?
Film documentaire de 70 minutes de David Bessenay et Jean-Pierre Vial
Production Caméras Rouges 2024
Projection-débat vendredi 21 mars à 20h30 au cinéma Le Nuiton (Nuits-Saint-Georges), en présence des vignerons Thibault Liger-Belair et Phillipe Charlopin, suivie d’une dégustation.
