Une fois encore, des contrefaçons de romanée-conti ont conduit à l’arrestation de sept escrocs. Face à la tentation de fraude que provoquent ces bouteilles exceptionnelles, il n’y a pas meilleur remède, selon notre expert-gourmet Jacky Rigaux, qu’une dégustation.
Régulièrement, les médias évoquent la mise au jour d’un trafic de bouteilles de grands crus. Le domaine de la Romanée-Conti en est souvent le cœur de cible. La semaine dernière, deux ressortissants italiens (lire Gazette Info), un père et un fils, escrocs plus maladroits que bandits de grands chemins, ont ainsi été arrêtés.
Le préjudice peut atteindre des sommes vertigineuses. Sur la base de près de 10 000 euros la bouteille, ces pépites attirent les maquilleurs de toutes dimensions. Un assemblage douteux, une mise en bouteille plus ou moins approximative, un étiquetage le plus fidèle possible… et hop, le tour est joué.
Heureusement, il y a les experts et les amateurs éclairés. Se situant entre les deux, puisqu’il s’auto-baptise « expert-gourmet », notre chroniqueur Jacky Rigaux est des plus nuancé quant à la facilité avec laquelle les faussaires agissent. Sollicité de temps en temps pour des expertises très privées, voire secrètes, il doit sa réputation à la relation quasi exclusive que fut la sienne au contact d’Henri Jayer, considéré par beaucoup comme l’un des plus grands vignerons de tous les temps. Pour ne citer que cela, le richebourg 59 de ce dernier (il était alors le « fermier » de Méo(*1)), a atteint près de 70 000 dollars dans une vente aux enchères il y a quelques années. A comparer, bien des rivières de diamants pendues au cou de grandes bourgeoises fortunées font pâle figure. Ce sont par ailleurs des bouteilles de ce même cru et du même millésime qui, après avoir été emprisonnées pendant un demi-siècle derrière des grilles dans les caves des Hospices de Beaune, à la demande du fondateur de Patriarche André Boisseaux, ont été ouvertes au profit de quelques personnalités locales (dont notre Jacky) pour célébrer l’an 2000. Ce que l’on convoite dans le monde entier, on le déguste donc joyeusement en Bourgogne.
La vérité au fond du verre
C’est cela le miracle du vin. Encore plus irrationnel que celui de la bijouterie de luxe. Des milliardaires chinois se l’arrachent à prix d’or pendant que des notables locaux y ont accès via leurs réseaux de connaisseurs. C’est un bien, car pour éviter la dérive du faussaire, rien ne remplace, selon Jacky Rigaux, une bonne dégustation : « Le vin est symbole de la réussite qui rend parfois aveugle. Il est tentant d’en faire des copies, mais l’idéal, quand on est en présence de plusieurs bouteilles, c’est encore d’en ouvrir une. »
Certes, on peut estimer le niveau du vin dans le flacon pour en déduire certaines manipulations frauduleuses, ou jouer les Sherlock Holmes avec l’authenticité de la bouteille, mais rien ne remplace le palais. Pas le palais d’un novice. Un palais expérimenté, qui a déjà fréquenté un Cros-Parentoux joliment millésimé ou un La Tâche de fraîche mise en bouteille. « D’ailleurs, souligne encore Jacky Rigaux, « il y a un style Jayer comme il y a un style propre au domaine de la Romanée-Conti. » Seul juge de paix face au dilemme: « la culture des gourmets et la connaissance des vins que tu prétends expertiser. »
Exit donc les pseudo-experts qui ne regardent que le bouchon. La vérité, une fois de plus, est au fond du verre. Le plus prestigieux de nos domaines a donc bien raison d’organiser une traçabilité millimétrée et de prévenir des dérapages spéculatifs en imposant une grande rigueur dans l’attribution de ses lots. N’achète pas qui veut car cela évite à qui veut de copier, telle pourrait être la morale de l’histoire. Et pour contrer cette fraude, rien ne vaut une dégustation de haut vol.
Dominique Bruillot
(*1) Jean Méo, du domaine Méo-Camuzet de Vosne-Romanée, travaillait au cabinet du Général de Gaulle.