L’Escargot bourguignon, à Vernot, c’est l’histoire d’une reconversion réussie. Celle de Frédéric Marcouyoux, encore ingénieur informatique il y a dix ans, devenu héliciculteur averti. Bienvenue à la ferme de cet adepte de la biodiversité, où les gastéropodes voisinent avec les arbres fruitiers, les ruches, les volailles, les moutons…
Neuf ans après son installation, Frédéric Marcouyoux peut être fier du chemin parcouru. Ouverte sur l’extérieur, respectueuse de l’environnement, attachée aux méthodes traditionnelles, sa petite ferme fait vivre sa famille grâce à des productions à forte valeur ajoutée vendues à la ferme ou par le Drive fermier 21 notamment, qu’il s’agisse d’escargots cuisinés, de sorbets du verger ou de pleurottes surgelées.
Néorural convaincu
À moins de 40 ans, Frédéric a déjà eu deux vies. La première a amené ce Haut-Marnais à Dijon pour y faire ses études supérieures puis intégrer une société en tant qu’ingénieur informatique. Cependant, notre jeune informaticien se lasse rapidement de la vie citadine et commence à rêver de campagne. Il achète une maison à Vernot (à l’ouest d’Is-sur-Tille) tout en continuant à travailler dans la cité des ducs, et commence à se poser des questions existentielles. « L’envie d’une reconversion s’est rapidement fait sentir, et l’agriculture s’est imposée à moi. J’étais naturellement attiré par l’élevage, mais sans aucun background paysan, ça me semblait difficile. C’est en voyant plein d’escargots dans mon jardin, et en découvrant d’anciens bocaux d’escargots en conserve dans la cave, que l’idée de l’héliciculture m’est venue. »
Et de se lancer dans l’élevage de ces petites bêtes à cornes dociles, qui nécessitent moins d’espace et moins de soins que d’autres. Après des visites d’élevages, un stage chez un producteur et un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole (BPREA) « spécialité escargots » passé en un an, il fait le grand saut et s’installe en 2011 sur le petit terrain qui entoure son domicile à Vernot.
Tout se joue dans les fêtes de fin d’année
Dès le départ, la stratégie de Frédéric est claire. Plutôt que faire de l’escargot – du gros-gris en l’occurrence – au kilomètre, il choisit de se positionner sur l’ensemble de la filière : reproduction, engraissement, transformation, commercialisation. Avec, déjà, la volonté d’ouvrir son exploitation à la visite et à la vente directe à travers le réseau Bienvenue à la ferme. Alors que la plupart des héliciculteurs (une trentaine en Bourgogne, dont 6 en Côte-d’Or) se contente d’acheter des lots de bébés escargots âgés de quelques jours pour les engraisser, Frédéric s’occupe de récupérer les œufs pour les faire éclore, « la partie la plus technique du métier, que peu d’éleveurs ont les moyens ou le temps de faire ».
Il les élève ensuite, pendant 5 à 6 mois, le plus naturellement possible, dans des parcs verdoyants clos par un ruban électrique, qui ressemblent à des jardins en friche parsemés de vieilles planches. Celui qui jouxte sa maison, là où il a commencé son activité, sert désormais de vitrine pédagogique pour les visiteurs de la ferme. Retournant une planche recouverte d’escargots, l’éleveur nous présente ses protégés avec le même émerveillement qu’au premier jour : « La nature est bien faite, il leur suffit d’un peu d’ombre, de végétation et de pluie pour grossir. Les planches en acacia, un bois imputrescible et peu chargé en tanin, les abritent du soleil et du vent. Les plantes herbacées que nous avons plantées au milieu (ortie, liseron, plantin, luzerne…) les nourrissent. Quant à la pluie, un système d’arrosage compense en période sèche. » Ça semble simple comme ça, mais les aléas sont nombreux et les gastéropodes fragiles.
« Dans la nature, seulement 2 % d’une génération arrive à maturité. Ici, heureusement, une majorité atteint sa taille adulte pour être ramassée à l’automne. Mais on n’est jamais à l’abri d’un prédateur, d’une maladie, d’un coup de chaud… » Pour preuve, la canicule de l’été 2019 qui a fait baisser la production à 100 000 escargots l’an dernier, contre 250 000 en moyenne d’habitude. Quant à cette année Covid, après une baisse du chiffre d’affaire de 40 à 50 % au premier trimestre, tout se jouera durant les fêtes de fin d’année, période commerciale cruciale pour les escargots au beurre persillé préparés dans le laboratoire de la ferme.
Interaction et diversification
Désireux de ne pas mettre tous ses escargots dans un même panier, Frédéric Marcouyoux s’est déjà mis en mode diversification depuis plusieurs années : « Je suis passé de 4 000 m2 d’élevage d’escargots au départ à 2 000 m2 sur plusieurs sites, avant de faire marche arrière pour ne pas tomber dans le piège du mono-élevage. Aujourd’hui, je fais plein d’autres activités qui interagissent avec mes escargots, dans une recherche d’équilibre entre le végétal et l’animal. » Ainsi, un carré de fraises à pris place dans un ancien parc à escargots naturellement amendé par les déjections des gros-gris, selon une rotation de trois ans aux vertus productives autant que sanitaires.
Dans le même esprit d’écosystème, les abeilles des ruches pollinisent le verger adjacent, qui lui-même protège les gastéropodes du vent et du soleil, autant qu’il donne des fruits pour des sorbets fabriqués sur place ; des poules et des canards assurent le désherbage et le nettoyage des parcs à escargots après leur ramassage ; des brebis s’occupent de la tonte du terrain et donnent du lait qu’on retrouvera avec le miel de la ferme dans de délicieuses crèmes glacées…
Avec sa femme Virginie plutôt dévolue aux arbres fruitiers et sa sœur Annabelle aux ovins, Frédéric Marcouyoux a la satisfaction de « pouvoir tirer trois revenus sur un hectare, là où certains ont du mal à vivre avec dix fois plus de surface ». Au prix d’une énorme charge de travail bien entendu, mais quand on aime… Ce qui n’empêche pas notre néopaysan de trouver encore du temps pour les autres, en tant que maire de sa commune jusqu’aux dernières élections, formateur à la Chambre d’agriculture ou encore trésorier du GIE Drive fermier de Côte-d’Or.