Restaurateur et hôtelier grâce aux hasards de la vie et du territoire, le fromager Philippe Delin est aussi devenu producteur de vin. À quelques semaines de l’ouverture de son magasin œnotouristique à Gilly-lès-Cîteaux, cette évolution prend tout son sens…
Après avoir brillé avec le brillat-savarin, via un imposant outil de production dont les parfums se répandent dans toute la Bourgogne, le fromager Philippe Delin n’a pas eu besoin d’aller très loin pour devenir restaurateur et hôtelier. L’Orée des Vignes lui tendait les bras. Ce développeur en circuit court s’en est saisi dès 2021, confiant un an plus tard la cuisine à un vieux complice de Gilly-lès-Cîteaux, le chef Jean-Alain Poitevin, ambassadeur du Savoir-faire 100% Côte-d’Or.
Une affaire de voisins
Une histoire en appelant une autre, on n’arrête pas ce genre de marcheur en si bon chemin. Le chef d’entreprise fonctionne à l’instinct. Il s’occupe de tout. On finit même, parfois, par lui en faire l’amical reproche. Cet enfant de la Bourgogne est un passionné qui défend son territoire bec et ongles. Les madeleines de Proust sont aussi son moteur. Parmi elles, le rêve secret de faire du vin. L’occasion lui en est donnée… à 200 mètres à peine de sa fromagerie, alors qu’il cherche seulement un nouvel espace de stockage.
Rue des Cerisiers, dans la zone artisanale de Gilly, Guillaume Legou cherche quant à lui un repreneur pour ses bâtiments. La discussion avec son voisin entrepreneur est engagée. Très vite, elle déborde de la seule question des murs. Le vigneron avait acquis 5,5 hectares de vignes une dizaine d’années plus tôt. Son exploitation a besoin d’oxygène. Se plaçant dans la perspective d’un projet œnotouristique, Philippe Delin y voit une autre opportunité : l’évidente complémentarité du vin et du fromage.
L’affaire se fait naturellement. Après les murs, l’acquéreur intègre les vignes et embarque en bonne intelligence Guillaume Legou dans ce qui devient son domaine. Seuls quelques changements de fournisseurs sont opérés. L’homme de l’art, celui qui fait le vin, reste aux manettes, entièrement voué à sa tâche.
Brillat-savarins vs bourgognes
Ce transfert ouvre de nouveaux débouchés pour les vins produits. Philippe Delin n’hésite pas à donner de son temps pour mettre des bouteilles dans les cartons. Il pense à son ambitieux site œnotouristique, dédié aux vins et fromages, qui ouvrira en août. Un outil novateur en Côte de Nuits, qui mobilise 1,6 million d’euros d’investissements et proposera 200 références vineuses ainsi qu’un parcours pédagogique, dont une partie abordera plus précisément les accords entre les différents brillat-savarins et les vins de Bourgogne.
Pour « affiner » ce projet, le désormais fromager-viticulteur fait donc appel aux services de l’incontournable Jacky Rigaux, le spécialiste bourguignon des vins de lieux. La gamme des vins du domaine, avec leur style droit et plaisant, propose des associations intéressantes. Pour le Hautes-Côtes de Nuits 2022 par exemple, joliment aromatique, Jacky Rigaux mise sur un brillât jeune en des termes choisis : « L’harmonie se noue avec élégance entre les textures du fromage et du vin. La chair onctueuse et tonique du fromage matche avec la souplesse du vin, magnifié par la grandeur du millésime 2022. »
Le Beaune 1er cru Montée Rouge 2020, un joli climat pentu aux argiles rouges, « tendre et fruité, avec du caractère », convoque volontiers un brillat-savarin affiné selon notre expert. Le bourgogne blanc 2022, d’expression généreuse, « noue également une belle aventure avec le triple-crème », poursuit Jacky, dont les commentaires seront visibles dans un espace dédié de la future boutique. Le Crémant de Bourgogne et les Côteaux-bourguignons feront aussi partie de cette palette de mariages heureux. Et Gilly-les-Cîteaux, que l’on se plait déjà à surnommer « Delin City », sera plus que jamais la destination choyée des gourmets.