Gevrey-Nuits : 100 millions pour une terre d’exception

Berceau de la spiritualité cistercienne et des grands crus rouges, le pays de Gevrey-Chambertin et Nuits-Saint-Georges est béni des dieux. Au quotidien, lorsqu’il concerne la vie de ses 30 500 habitants, ce territoire de réputation universelle doit être géré avec une grande sensibilité locale. Son président Pascal Grappin, à la tête d’un budget de près de 100 millions d’euros, le confirme.

Pascal Grappin, président de la communauté de communes Gevrey-Nuits. © Jean-Luc Petit / DBM

Le château du Clos de Vougeot est le phare patrimonial de ce territoire qui fait le lien entre Dijon et Beaune. Ministres, chefs d’États et stars internationales ripaillent régulièrement sous ses voûtes cisterciennes, entre deux bans bourguignons. Cette vision « pourpre et or » de cet incroyable pays n’est cependant que la partie connue d’un iceberg doré de prestige et d’histoire. Nous sommes ici dans le berceau de l’Occident chrétien, quelque part entre les forêts de Cîteaux et les ruines clunisiennes de l’abbaye de Saint-Vivant, qui donnèrent naissance au domaine de la Romanée-Conti. Difficile de faire mieux et plus.

30 500 habitants

Un peu partout dans ces terres bénies des dieux (et de Bacchus), on peut suivre à la trace la prestigieuse pierre de Comblanchien, historiquement extraite par la communauté italienne, qui marque de son empreinte les murs de l’Opéra de Paris ou les escaliers de la pyramide du Louvre. À Villars-Fontaine, une ancienne carrière a même été rebaptisée Karrière, pour devenir temple international du street-art et un Zénith naturel à ciel ouvert.

Les vignes, omniprésentes, livrent entre leurs lignes de ceps, des noms qui chantent à l’oreille des amateurs de grands flacons : Chambertin, Musigny, Saint-Denis, Saint-Georges et tant d’autres. Cette partie du vignoble bourguignon détient à elle seule 24 des 33 grands crus. Soit tous les rouges sauf un, le Corton, que la Côte de Nuits laisse généreusement à sa voisine la Côte de Beaune, experte dans les blancs du même tonneau.

Ce patrimoine exceptionnel suppose des contreparties. Il implique l’exigence, exclut la légèreté et ne compose pas avec les approximations. Pascal Grappin, amateur des bonnes choses que son « jardin » électoral lui livre chaque jour, le sait bien. Gourmet certifié 100 % bourguignon, le maire de Villebichot préside avec rondeur et rigueur, depuis 2020, la peu banale communauté de communes de Gevrey-Chambertin et Nuits-Saint-Georges. Né en 2017, sous l’effet de la réforme territoriale et de la fusion de trois anciennes « interco », ce terrain de jeu à haute responsabilité représente un budget de 100 millions d’euros. Une « châtellenie » sensible à ne pas mettre entre toutes les mains.

« Gevrey-Nuits », pour la résumer, c’est donc 55 communes, 493 km2 de surface et 30 500 habitants qui vivent entre Dijon et Beaune, deux balises urbaines influentes qui ne lui font pas d’ombre. La communauté de communes la plus importante de Côte-d’Or, riche de ses nombreuses singularités, s’affirme d’elle-même.

Pouvoir investir

Métropole au nord, Côte de Beaune au sud, Cîteaux à l’est, paysages magnifiques des Hautes Côtes à l’ouest en forgent le caractère. « Nous avons la chance d’être entre deux grands pôles, tout en préservant une identité très forte », rappelle Pascal Grappin. Homme de chiffres, l’élu s’est déjà employé à relever un défi pas toujours facile à faire entendre : sortir d’une situation économique tendue.

Le succès figure dans les comptes. Alors que le bilan de l’exercice 2020 affichait une perte de près de 200 000 euros, trois années plus tard, suivant une progression régulière (732 000 euros en 2021, 1,22 million en 2022), la « comcom » dégage un résultat proche des 2 millions d’euros en 2023. Impressionnant.

La méthode, au début, avait de quoi déconcerter. Il a fallu serrer les vis et repositionner certains services de cette communauté qui emploie aujourd’hui près de 300 personnes et évolue dans des domaines de compétences variés : culture, sports, enfance, mobilité, transition énergétique, numérique, solidarités, tourisme et, ce qui n’est pas la moindre des choses par ici, environnement. 

La gestion de la réserve naturelle de la Combe Lavaux, près de 500 hectares entaillés de combes, au-dessus desquels plane le faucon pèlerin, est en effet le petit joyau Natura 2000 dont « Gevrey-Nuits » a la charge.

La mayonnaise a pris. Les 78 élus du conseil communautaire, tous bords confondus, ont validé à l’unanimité le dernier budget en date. Le président de la communauté de communes a donc mis en place une stratégie ambitieuse, propice à la libération des investissements. « Il a fallu s’entourer des bonnes personnes, avec de bons agents, distinguer l’utile du pas très utile, savoir trancher même si toutes les décisions ne sont pas toujours populaires », résume celui qui se retrouve face à une problématique de chef d’entreprise, avec les inconvénients de l’exposition publique en plus.

Le combat de l’eau

Au quotidien, l’intercommunalité livre déjà 1 800 repas aux enfants et fait vivre ses crèches. Après avoir traversé les crises sanitaire et énergétique, elle peut engager plusieurs plans importants. Cette remontada financière orchestrée par les élus redonne de l’oxygène au projet territorial. Le programme des chantiers engagés dans les trois années à venir donne raison au président. Création d’un pôle péri-extrascolaire à Gevrey-Chambertin, rénovation thermique du gymnase Jérôme-Golmard à Brochon, création d’un multi-accueil petite enfance à Gevrey à nouveau, rénovation de la salle omnisports de Nuits-Saint-Georges : plus de 11 millions d’euros sont et seront investis dont plus de 4 directement à la charge de la collectivité, aujourd’hui en capacité d’assumer ses engagements.

À l’ombre des grands crus, la « comcom » travaille discrètement mais efficacement à l’amélioration du quotidien de ses administrés. Paradoxalement, les préoccupations de cette mission territoriale sont assez éloignées du prestigieux contenu des bouteilles qui font la gloire de la Bourgogne et nourrissent par ailleurs de gros enjeux touristiques. « Le grand combat de demain, c’est l’eau », résume, pragmatique, Pascal Grappin. Où que l’on soit, il se confirme en effet qu’il vaut mieux savoir mettre de l’eau dans son vin pour avancer.