L’ancien géologue Bénédict Humbel initie ses semblables à une lecture passionnante des paysages de la côte et l’arrière-côte. Nuits-Saint-Georges a son greeter de la pierre.
Par Nadège Hubert
Photo : Michel Joly
Ancien géologue, Bénédict Humbel en connaît un rayon sur les cailloux et autres vieilles pierres. Il met ses connaissances au service des visiteurs désireux de sortir des sentiers battus pour se lancer sur des pistes plus rocailleuses. « J’ai longtemps travaillé à l’étranger et je crois que ça m’a encouragé à vouloir expliquer les choses au gens. J’aime aussi le contact humain et, en tant que greeter (ndlr : habitant accueillant bénévolement des touristes), je peux faire les deux. » Avec lui, oubliez les talons hauts et les poussettes si vous voulez profiter au mieux de cette promenade car, même si c’est au cœur de Nuits-Saint-Georges que le rendez-vous est fixé, c’est pour mieux repartir et prendre de la hauteur sur la route de Chaux, laissant les monuments historiques à d’autres. Pourtant, c’est bien d’histoire qu’il nous parle, celle de la Terre : « Un paysage peut s’expliquer en quatre étapes distinctes. Ça commence par la constitution de la roche il y a environ 150 millions d’années. » Et le voyage dans le temps commence sous nos yeux…
Parfois, Bénédict encourage notre imaginaire pour que ses propos scientifiques prennent toute leur mesure: « Il faut penser qu’à cette époque, le paysage d’ici ressemblait plus aux Bahamas, avec une mer chaude peu profonde et quelques îles, mais finalement peu de vie terrestre. » On fait ensuite des bonds dans le temps, passant de la formation des Alpes à l’effondrement de la plaine de Saône, de la chaleur du lagon primitif aux températures polaires du Quaternaire. « Les glaciers avaient alors envahi le nord de l’Europe et la Côte-d’Or, pas très éloignée de cette calotte glaciaire, a connu un gel quasi permanent. »
Hauteur de vue sur les paysages
De temps à autre, le greeter s’arrête pour nous montrer un léger dénivelé ou expliquer que les combes – »une dizaine rien qu’entre Dijon et Nuits– où l’on se promène aujourd’hui sont les témoins des passages de rivières. Puis l’homme a commencé à façonner le paysage, il y a à peine 10 000 ans: hier, à l’échelle de la science.
On marche encore un peu pour aller admirer une carrière, car avec Bénédict, on en vient à prendre plaisir à observer un vulgaire « tas de cailloux ». Equipé, il casse la roche de son marteau et la mouille pour mieux expliquer sa matière ou son histoire. Bien sûr, la vigne n’est jamais loin. Expliquée sous l’angle géologique, elle prend une nouvelle dimension. « La nature des sols est essentielle en viticulture, on ne plante pas les mêmes ceps partout. »
Après quelques explications, la balade se poursuit dans la nature des Hautes-Côtes, quand notre greeter s’arrête soudain: « Regardez bien ! il y a des empreintes de dinosaures… Malheureusement, elles sont fausses. » L’humour est prétexte à de nouvelles explications scientifiques que l’on intègre aisément tant Bénédict sait vulgariser son propos et le rendre intéressant: Comblanchien, exurgence, porosité, érosion, tectonique, sédimentaire, térébratule de Nuits-Saint-Georges… Avec lui, les mots prennent un sens, les explications se suivent et ne se ressemblent pas, toujours pointues, jamais rébarbatives. Tandis que la promenade se poursuit, le greeter garde un œil au sol, prêt à dénicher la pierre ou le fossile qui mériteront son attention. « Les enfants ont tendance à le faire aussi et à ramener chez eux le joli caillou trouvé sur leur chemin. » Le géologue-greeter a dû garder une part de son âme d’enfant, toujours prêt à vous emmener jouer avec lui et ses cailloux.